Histoires d'info. Le très difficile passage de Matignon à l’Élysée
Avant Manuel Valls, trois premiers ministres en exercice ont annoncé leur candidature à la présidence de la république. Les trois ont échoué.
Manuel Valls n’est pas le premier Premier Ministre en exercice à se porter candidat à l’élection présidentielle. Trois l’ont précédé dans cet exercice plutôt périlleux.
Comme nous sommes encore dans l’attente de la candidature, je vous propose d’abord de voir comment ces premiers ministres se sont annoncés. Les deux premiers l’ont fait depuis Matignon.
D'abord, Jacques Chirac en janvier 1988. Puis Edouard Balladur en 1995, en direct.
Sur le fond, la volonté de poursuivre l’œuvre engagée depuis deux ans, rien de bien original en somme, et il n’est pas impossible que Manuel Valls emprunte le même type de rhétorique lundi 5 décembre à Evry.
Lionel Jospin avait choisi de l'annoncer en envoyant un fax à l'Agence France Presse
7 ans plus tard, en 2002, c’est au tour d’un Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, de se lancer également, mais il choisit une forme bien différente, bien moins classique aussi…Le célèbre fax envoyé à l’Agence France Presse. Puis il est interrogé en pleine rue, de nuit, sortant de chez lui d’où il a envoyé son fax. Sa voix est presque recouverte par les bruits de circulation.
Peut-être la pire annonce de candidature de l’histoire de la Vème république, au-delà de la mise en scène, pas de véritables arguments, de vision, ni de projet. Il faut dire qu’on peine à la dissocier du fiasco du 21 avril et une autre annonce de Lionel Jospin, celle de la fin de sa vie politique. D'ailleurs, bien souvent on trouve une annonce de candidature excellente quand quelques mois plus tard, elle se solde par un succès et inversement, une annonce mauvaise quand elle se conclut sur un échec.
Trois tentatives, trois échecs cuisants
Dans ces conditions, il serait tentant de voir ces trois annonces, celle de Chirac en 88, de Balladur en 95 et de Jospin en 2002 comme de mauvaises annonces dans la mesure où les trois se sont soldées par un échec électoral…
Alors, en apparence, c’est une malédiction pour un premier ministre de se lancer dans la course à l’Elysée. Les Français aiment le changement, l’alternance et le premier ministre en place qui propose de poursuivre la même politique ne suscite guère d’enthousiasme.
Mais il y avait quelque chose de bien différent dans les trois cas évoqués. A chaque fois, il s’agissait de Premier ministre de cohabitation. Et dans deux cas, Jacques Chirac en 1988 et Lionel Jospin en 2002, il s’agissait d’affronter le président de la république, ce qui n’est quand même pas rien.
On est donc ici dans un cas de figure totalement inédit dans la Vème république. Reste que Matignon n’est définitivement pas le meilleur endroit pour préparer son entrée à l’Elysée, même si à peine une demi-heure de marche les sépare.
Pour Manuel Valls, mieux vaut suivre l'exemple de Georges Pompidou
Manuel Valls aura tout de même 5 mois pour s’en éloigner. Il suivra ainsi l’exemple de Georges Pompidou. En juillet 1968, après 6 ans passés à Matignon, Georges Pompidou décida de démissionner. De Gaulle l’accepta en lui écrivant qu’il devait "se sentir prêt à accomplir toute mission et à assurer tout mandat qui pourrait un jour lui être confié par la Nation". Au même moment dans son carnet intime, Pompidou écrivait : "En politique, le but n'existe pas ou plutôt s'éloigne au fur et à mesure qu'on croit avancer." Pour passer de Matignon à l’Elysée, il faut parfois s’arrêter pour avancer. Reste à savoir si Manuel Valls se lance pour gagner en 2017 ou pour gagner plus tard.
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