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Guerre entre le Hamas et Israël : le compte à rebours
C’est à la fois une fabrique d’images pour la communication, une petite soupape pour les habitants, et un douloureux aveu d’échec pour la communauté internationale. Depuis le début du mois de mars, la Jordanie, la France, les États-Unis entre autres communiquent sur les palettes d’aide humanitaires larguées par avion près des plages de Gaza.
Les Français apportent une aide logistique à cette nouvelle route de l’humanitaire. Le lieutenant-colonel Rudy était à Amann pour épauler les Jordaniens. "La Jordanie gère ce qu'il y a dans les boîtes, nous, on s'occupe du contenant et de l'avion", explique-t-il. Le lieutenant-colonel Rudy précise que "la Jordanie n'a pas assez d'avions par rapport aux besoins".
La famine frappe sévèrement les enfants
Cette aide ne répond pas aux besoins des Gazaouis. D’après l’ONU, un compte à rebours est enclenché. Si rien ne change le risque de famine dans le nord de l’enclave est quasiment inévitable. On commence d'ailleurs à répertorier les premières victimes de la faim. Le porte-parole de l’Unicef James Elder confirme la mort d’au moins 10 enfants par déshydratation et manque de nourriture. Il décrit comment se passe la prise en charge à l'hôpital d'un bébé qui souffre de déshydratation : "On essaie d'abord de le perfuser, mais on n’y arrive pas parce qu'on ne trouve pas de veines. Alors s'il y a encore du personnel médical, on va essayer de piquer une veine dans la tête, mais là aussi ça ne va pas marcher".
Le ministère gazaoui de la Santé fait état d'un bilan qui ne cesse de s'alourdir. Malgré les risques de famine à Gaza, des Israéliens tentent de serrer encore plus le goulot d’étranglement qui freine l’entrée des camions humanitaires dans l’enclave. Certains veulent bâtir de nouvelles colonies dans Gaza, presque 20 ans après le retrait israélien. Daniella Weiss dirige ce mouvement ultra-radical qui n’attend qu’un signal pour coloniser Gaza. Elle assure que "500 familles sont instantanément prêtes, ça fait plus de 2000 personnes". "Elles sont prêtes là, maintenant. Si je les appelle là, ce soir il y aura sept colonies à Gaza", ajoute-t-elle.
"Parfois, les visas des cadres supérieurs des ONG ne sont pas renouvelés (...), alors que les expatriés d'autres secteurs ont vu leur visa étendu. C'est donc que le secteur humanitaire est visé"
Firas Arouri, coordinateur de l'association Aïdaà franceinfo
Gaza n’est pas une situation isolée. Quand on parle avec les responsables d’ONG, on voit que globalement l’action humanitaire en direction des Palestiniens est entravée dans toute la région.
Depuis le début de la guerre, Israël n’accorde plus de visas ou ne renouvelle pas les visas des travailleurs humanitaires étrangers. Les deux tiers d’entre eux sont aujourd’hui en difficulté en Cisjordanie occupée. Firas Arouri est le coordinateur de Aïda, l'association des agences internationales de développement à Ramallah. Il observe que parfois ce sont "les postes de directeurs de pays des ONG ou d'autres cadres supérieurs qui n'ont pas été renouvelés" alors que les visas "d'expatriés dans d'autres secteurs sont étendus". "Cette mesure nous la voyons comme intrinsèque aux restrictions d'accès généralisées des ONG, que ce soit en Cisjordanie ou à Gaza", affirme Firas Arouri.
Après 5 mois de guerre, la situation humanitaire extrême à Gaza ne semble plus tenable. Le président américain Joe Biden a annoncé lors de son discours au Congrès sur l'état de l'Union, jeudi 7 mars, la construction d’un rouage supplémentaire pour la distribution humanitaire. Les États-Unis vont ainsi bâtir un port provisoire près de Gaza pour acheminer l’aide par bateaux depuis Chypre.
Le président américain pousse aussi pour un accord de trêve avant la période du ramadan, qui risque de déplacer la tension à Jérusalem.
Le compte à rebours du ramadan
Thibault Lefevre, correspondant permanent de Radio France à Jerusalem, est allé prendre la température près de la mosquée Al Aqsa à Jérusalem. S’il n’y a pas de trêve dans les heures qui viennent, on redoute que cet endroit ne devienne inflammable. "On est à quelques jours du ramadan", dont le coup d'envoi sera donné le 10 ou 11 mars, rappelle Thibault Lefevre. Il raconte sortir du "WAQF, l'administration jordanienne de l'esplanade des mosquées appelé aussi le mont du Temple pour les Juifs". "Et en fait ils ont une seule demande : que les musulmans de Cisjordanie occupée puissent venir prier pendant ce mois de ramadan", constate Thibault Lefevre.
Les restrictions d’accès, imposées par les Israéliens au lieu saint, sont un puissant carburant qui peut alimenter les tensions dans le secteur. Cette année, malgré la pression de l’extrême droite, le gouvernement israélien n’a pas renforcé le régime de restriction. Selon Thibault Lefevre, le compte à rebours du ramadan est enclenché sans aucune visibilité. Il décrit ainsi une "atmosphère plutôt calme", avec la présence de "beaucoup de police israélienne". "Ce n’est pas simple de savoir ce qui va se passer : tout se prépare comme les précédentes années, comme si le 7 octobre n'était pas passé par là", affirme Thibault Lefevre.
Pour les Américains, une trêve avant le ramadan serait le meilleur remède aux risques de violences, mais les discussions semblent bloquées. La délégation du Hamas a quitté Le Caire. Les Israéliens, qui menacent toujours d’avancer sur Rafah, n’ont même pas de quoi amorcer les choses, déclare Alona Fisher Kamm, chargée d’affaires près de l’ambassade d’Israël à Paris. Interrogée sur franceinfo le mardi 5 mars à propos du Hamas, elle assure "qu'ils refusent toujours de nous donner une liste de noms des otages". "On ne sait pas combien sont morts, combien sont vivants. Côté israélien, nous avons la confirmation de 32 otages morts, mais pour le reste on a aucune nouvelle de leur part", regrette-t-elle.
Dans ce contexte, le principal opposant au Premier ministre israélien, l’ancien chef d’état-major Benny Gantz a fait une tournée aux États-Unis et en Grande-Bretagne. L’ONU a validé dans une enquête l’existence de viols lors des attaques du 7 octobre. Trois membres d’équipage sont par ailleurs morts dans le golfe d’Aden, victimes d’un tir sur un navire marchand attribué aux rebelles houthis.
"On est dans une situation qui n'a pas de précédent comparable."
Andrea de Domenico, chef de bureau à l'ONUà franceinfo
Andrea de Domenico, chef du bureau de l'ONU pour la coordination des affaires humanitaires dans les territoires palestiniens (Ocha), estime que le futur port américain ne résoudra pas le problème d'acheminement de l'aide. Les mouvements au sein de la bande de Gaza restent en effet compliqués. "Il y a toute une série de mesures qui devraient être prises par l'armée israélienne et dont on discute depuis des mois pour faciliter l'aide humanitaire, mais qui n'ont jamais été concrétisées", regrette-t-il. Andrea de Domenico estime qu'on est actuellement "dans une situation qui n'a pas de précédent comparable".
Dans cet épisode : Thibault Lefevre, Alice Froussard, Jérémy Lanche, Salhia Brakhlia.
Réalisation : Etienne Monin, Lucas Finet et Laurine Benjebria.
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