1914-1918, franceinfo y était. 31 juillet 1914 : Jaurès assassiné
Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Jaurès, assassiné".
Nous sommes le 31 juillet 1914. La gauche française est décapitée ce soir après l’assassinat de Jean Jaurès. Le député chef de file du parti socialiste et fondateur du journal l’Humanité a été abattu alors qu’il dînait dans un restaurant parisien proche de son journal. Sur place, on retrouve l’envoyé spécial de France Info Hélène Lam Trong.
Hélène, il y a foule ce soir autour du restaurant Le Croissant…
Vous entendez encore peut-être autour de moi des passants qui crient : "Vive Jaurès ! Vive Jaurès !" devant Le Croissant, cette brasserie où Jean Jaurès avait ses habitudes. Il y était attablé quand il a été touché par un coup de feu tiré quasiment à bout portant par un homme qui se tenait sur le trottoir. Il fait très chaud ce soir à Paris. Les rideaux étaient tirés, mais les fenêtres du restaurant, elles, étaient ouvertes… Ce qui a permis au tueur, un certain Raoul Villain, qui aurait agi seul, de s’approcher sans être remarqué. Cela s’est apparemment passé très vite. Les compagnons de table de Jaurès eux-mêmes n’ont pas tout de suite compris qu’il était touché ; ils parlent d’une détonation à peine reconnaissable, d’un bruit sourd faisant penser à l’éclatement d’un pneu. Certains ont même cru un instant à une fuite de gaz. Ce n’est que lorsque Jaurès s’est effondré, tué sur le coup, que la femme du socialiste Ernest Poisson a hurlé : "Ils ont tué Jaurès ! Ils ont tué Jaurès !" C’était vrai… Jean Jaurès, farouche opposant à la guerre, et très critiqué ces derniers mois pour son pacifisme, est mort ce soir à Paris. Il avait 54 ans.
Il faut dire que, infatigable, Jean Jaurès a encore tout tenté aujourd’hui pour éviter la guerre…
C’est pour cela que sa mort laisse ses partisans au désespoir. Jaurès a passé tout l’après-midi à l’Assemblée, où l’imminence de la guerre entre l’Allemagne et la Russie a clairement rendu l’ambiance électrique. Coiffé de son fidèle canotier, Jaurès a parlementé des heures pour essayer de convaincre les uns et les autres qu’il fallait encore laisser une chance à la paix, lui qui ne voyait dans la guerre que massacres, ruines et barbarie. Il s’était d’ailleurs vu prédire par l’ambassadeur russe en personne que ses positions lui vaudraient d’être assassiné… Hier, dans les colonnes de l’Humanité, le député socialiste appelait encore au sang-froid de la France dans l’escalade entre l’Allemagne et la Russie. Seul contre tous, il a probablement perdu son combat en même temps qu’il a perdu la vie. Désormais, la solution pacifique n’a plus guère d’ambassadeur.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.