1914-1918, franceinfo y était. 25 décembre 1914 : Un Noël si particulier
Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Un Noël si particulier".
Nous sommes le 25 décembre 1914. La guerre s’est arrêtée depuis quelques heures sur la frontière franco-belge. Ils se sont retrouvés entre les deux lignes de tranchées : des soldats allemands, britanniques, français. Ils ont oublié les fusils, les canons… Ils les ont oublié le temps du réveillon. Ils ont fêté Noël ensemble dans une étonnante scène de fraternisation. Cécilia Arbona, vous vous trouvez sur place, à Ploegsteert, en Belgique. Que s’est-il passé exactement ?
Il y a eu des scènes surréalistes, en tout cas sur un champ de bataille. Du jamais-vu à mon sens… L’appel du pape Benoît XV qui demandait aux belligérants il y a quelques jours d’observer une trêve pour Noël semble avoir été entendu ici. Vers 20 heures hier soir, c’est une sentinelle qui a donné l’alerte dans le noir, elle a crié : "Eh, regardez ! Les Allemands alignent des lanternes, et même des sapins de Noël…"
Effectivement, on a vu dans la nuit noire des lumières posées à même la terre. Dans l’herbe on a pu discerner des petits arbres décorés de bougies, aux branches de leurs aiguilles pas de rubans ni de guirlandes, mais les petites boîtes des soldats en fer-blanc. Et puis il y a eu surtout ces voix qui se sont élevées dans le silence… Car on chante ici, figurez-vous. Les Allemands ont donné le ton : ils ont commencé par Douce Nuit. À côté de moi, un soldat britannique, Oswald Tilley, s’est mis à pleurer. Puis il a dit : "Voilà ces gars, ils sont à des dizaines de mètres de nous depuis des jours et des nuits. On les entend tousser, parler, sangloter, et là, écoutez, ils chantent pour nous." Oswald Tilley et ses hommes sont alors sortis de leur tranchée par la force des bras. Je les ai vus aller dans la zone qu’on appelle le "no man’s land" avec des Allemands en face, sans baïonnette mais avec des drapeaux blancs. Les Anglais ont entonné à leur tour des cantiques de Noël. Il y a eu des applaudissements inattendus… Au petit matin, un Allemand a fait signe aux Anglais d’avancer. Un premier a marché vers l’ennemi, puis un autre, et puis encore un autre… Il y a eu cet échange de présents, comme dans une famille qui s’offre des cadeaux. Là on a troqué du tabac, du chocolat, des biscuits secs et du vin. Un festin alors que depuis des semaines on doit s’accommoder de maigres portions de riz et de conserves de viande.
Cécilia, c’est incroyable ce que vous nous racontez… Est-ce que cela continue autour de vous ?
Oui, les militaires se sont même mis à discuter en anglais. Il y a eu des confidences, chacun a parlé de sa femme, de ses enfants. Beaucoup d’Allemands connaissent visiblement bien l’Angleterre ; certains y ont travaillé, notamment dans des restaurants. J’ai même pu intercepter des anecdotes sur des recettes de plats british : des beans et même du plum-pudding ! Je n’en croyais pas mes oreilles.
Un confrère britannique a pris des notes, dessiné des croquis pour son journal ; de grosses larmes roulaient sur ses joues. Et puis il y a eu cette scène incroyable – je vous en ai parlé tout à l’heure, je vous l’ai dit : on a joué au foot… Vous me croyez ?
Au football, Cécilia, en plein milieu des tranchées… ?
Un gars plus costaud que les autres est retourné vers sa tranchée, il a plongé puis il est ressorti avec un tas de chiffons roulés en boule ; il a confectionné un ballon de football et il s’est mis à shooter dedans. On a couru, on s’est entrelacé et on s’est dit : "Ok, c’est un match amical ! On joue, comme en vrai." Il y a eu des dribbles… Un moment magique.
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