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1914-1918, franceinfo y était. 22 février 1916 : Un déluge de fer et de feu à Verdun

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Un déluge de fer et de feu à Verdun".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Alice Serrano
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les soldats présents à Verdun essuient une attaque allemande de grande ampleur, le 22 février 1916. (GALLICA / BNF)

1914-1918, franceinfo y était. 22 février 1916 : Un déluge de fer et de feu à Verdun

Nous sommes le 22 février 1916. Notre envoyée spéciale Alice Serrano se trouve à Verdun. Verdun, je vous le rappelle, qui essuie une attaque allemande de grande ampleur depuis hier. Elle se trouve très exactement au Bois des Caures avec les chasseurs du Lieutenant-Colonel Driant, et la position qu’elle tient depuis hier est en train de lâcher sous une nouvelle attaque.

Depuis ce matin en effet on tente de quitter le Bois des Caures défendu par le Lieutenant-Colonel Driant et ses troupes, 1 200 hommes, deux bataillons de chasseurs à pieds… Driant a donné l’ordre de repli. Les troupes spéciales allemandes, les Sturmtruppen se dirigent vers nous. Les tirs de canons ont repris ce matin. Et si nous avons pu résister jusqu’ici, là… les hommes sont à bout de force, épuisés, éreintés par les combats d’hier. Les troupes spéciales allemandes sont équipées de lanceflammes qui brûlent tout sur leur passage. De cette forêt il ne reste que des troncs d’arbres calcinés. Les Allemands utilisent également des gaz lacrymogènes. Les chances de ces hommes de s’en sortir sont minimes. Il y a déjà beaucoup de morts et de blessés parmi ces chasseurs à pieds…

Je viens de voir le Lieutenant-Colonel Driant soigner l’un d’entre eux touché par un tir allemand, lui qui s’est visiblement préparé à la mort. Il y a quelques jours, il a donné son alliance à son secrétaire accompagnée de ces mots : "Si je suis tué, vous irez la rapporter à madame Driant."

Alice, ces bombardements durent depuis hier… Comment les hommes peuvent supporter ça aussi longtemps ?

C’est la première fois que je vois ça depuis le début du conflit… Hier, nous avons essuyé des tirs incessants…C’est à 7h15 que retentit le premier coup de canon après un silence inquiétant… Puis coup de tonnerre : une pluie d’obus s’abat sur nous. On entend des sifflements tout autour de nous sans savoir d’où viennent les tirs, comparables à des coups de pioches réguliers… Vers midi, le pilonnage redouble d’intensité avec des tirs de mortiers jusqu’à 16h… 16h : le point culminant, où l’on est matraqué par les Allemands toutes les 15 secondes…

Mais Alice, qu’est-ce qui peut rester autour de vous après ça ? Toutes les 15 secondes, un obus, c’est énorme !

C’est un paysage de désolation… Il faut voir que l’on essuie ces tirs dans un brouillard de fumée, de terre qui se dégage des cratères d’obus… sur un sol boueux, dans lequel on s’enfonce… Ce brouillard épais nous empêche de voir à plus de quelques dizaines de mètres, mais ne cache pas ce paysage d’horreur… Ces corps qui jonchent le sol partout… Pas un seul bout de terre épargné… La ligne française s’est transformée en un véritable bain de sang… À côté des morts, des mourants et des blessés que les soldats ne peuvent même pas secourir… Des soldats qui se terrent comme des lapins en abandonnant leurs abris, leur artillerie… Plus aucun téléphone ne fonctionne au front, seuls quelques coureurs, des volontaires, sautent de trou d’obus en trou d’obus à la recherche d’une ligne qui marche… On dit que 1 million d’obus ont été tirés dans cette seule journée d’hier… Les soldats français ne peuvent même pas répliquer… Ils n’attendent qu’une seule chose : la fin de ce supplice…

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