1914-1918, franceinfo y était. 14 mai 1917 : Des midinettes font changer la loi
Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Des midinettes font changer la loi".
Nous sommes le 14 mai 1917. Nouvelle manifestation aujourd’hui à Paris de midinettes en colère, ces ouvrières de la couture que l’on surnomme ainsi à cause du repas sur le pouce qu’elles prennent durant leur courte pause de midi. Cette fois, ce sont les couturières, jupières et couseuses de la maison Jenny qui se sont mises en grève. Elles protestent contre des baisses de salaire. Actuellement, elles battent le pavé sur les Grands Boulevards où vous vous trouvez Isabelle Raymond… Cette manifestation n’est pas la première dans le secteur mais elle ne passe pas inaperçue…
Non, les gens s’arrêtent d’ailleurs dans la rue pour les regarder défiler. Les ouvrières de la couture et de la mode, les midinettes, comme on les appelle donc, sont de plus en plus nombreuses à descendre en ce moment les Grands Boulevards. Ce sont celles de l’atelier Jenny, situé sur les Champs-Élysées, qui ont initié le mouvement ; c’était un peu après 14 heures. Mais sur le parcours du cortège, elles sont peu à peu rejointes par d’autres cousettes d’autres maisons de couture... Enfin, celles qui ont pu sortir, car il se dit ici que certaines ouvrières qui ont voulu rejoindre le cortège en ont été empêchées par leur patron, qui les a enfermées à clé dans leur atelier.
Quoi qu’il en soit, la manifestation est très gaie, très joyeuse. D’ailleurs, les rares hommes que les midinettes croisent sur le trottoir, ceux qui ne sont pas au front, les regardent d’un œil plutôt amusé. Elles portent de longues jupes noires et des chapeaux ; elles ont accroché des fleurs à leur corsage, des brins de lilas ou de muguet. Les midinettes se tiennent bras dessus, bras dessous, en chantant comme elles le font pour la Sainte-Catherine, mais là il ne s’agit pas de faire la fête, elles ont des revendications précises et elles sont plutôt en colère malgré la bonne humeur ambiante.
Quelles sont les revendications de ces midinettes ?
Tout est dans les slogans qu’elles chantent en descendant les Grands Boulevards. "On s’en fout, on aura la semaine anglaise", "On s’en fout, on aura les 20 sous", "Oui, monsieur, c’est une grève !" Ce sont donc les deux cent cinquante ouvrières de la maison Jenny qui ont décidé de se mettre en grève en début d’après-midi après que leur patron est venu leur annoncer qu’elles ne travailleraient pas demain samedi, et que d’ailleurs elles ne travailleraient plus du tout le samedi après-midi à cause de la baisse des commandes liée à la guerre. Sauf que, pour les midinettes, cela représente une demi-journée de salaire en moins par semaine, et ça, elles disent que ce n’est pas possible, elles qui travaillent dix heures par jour pour habiller les élégantes de Paris. Ce qu’elles réclament, c’est le paiement intégral de leur samedi après-midi. Cela existe déjà de l’autre côté de la Manche, en Angleterre, d’où cette réclamation de "la semaine anglaise", comme elles disent. Cela leur permettrait de faire leurs achats et le ménage le samedi, pour ainsi consacrer le dimanche à leur famille.
Ce n’est pas la première grève. Il y a déjà eu des mouvements de femmes...
On se souvient par exemple de la grève des munitionnettes, ouvrières de l’armement, à Puteaux il y a un an. L’atmosphère était évidemment beaucoup plus tendue, parce que c’est un secteur stratégique pour la poursuite de la guerre. Il y avait eu de nombreuses arrestations, près de trois cents. Là, aujourd’hui, ce n’est pas du tout la même ambiance. Les policiers, plutôt bienveillants, assistent presque amusés à la scène. Il y en a un qui m’a dit : "Elles sont gentilles, et en plus il n’y a pas d’hommes dans leur cortège."
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