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1914-1918, franceinfo y était. 13 novembre 1918 : Guillaume Apollinaire, les derniers mots

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Guillaume Apollinaire, les derniers mots".

Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Guillaume Apollinaire, dans un hôpital parisien en 1916 après avoir été blessé à la tête. (APIC/RETIRED / HULTON ARCHIVE / GETTY IMAGES)

"Il a fermé sa porte / Les lys du jardin sont flétris / Quel est donc ce mort qu’on emporte" Quelques vers de Guillaume Apollinaire qu’on emporte, justement, aujourd’hui vers la tombe. Les obsèques du poète, âgé de 38 ans, ont lieu en ce moment au cimetière du Père-Lachaise, à Paris, quatre jours après son décès des suites de la grippe. Grégoire Lecalot, vous êtes sur place pour France Info. Et le corbillard qui transporte la dépouille de Guillaume Apollinaire vient d’entrer dans les allées.

Le corbillard s’avance vers le carré  86 du grand cimetière parisien, c’est-à-dire côté nord. C’est là qu’on enterre les derniers morts de la guerre et les victimes de la grippe. Guillaume Apollinaire reposera donc parmi eux. Le cercueil du poète est recouvert du drapeau français – bleu, blanc, rouge – puisqu’il a été déclaré "mort pour la France". Son képi est posé dessus. Un képi de lieutenant. Il avait été promu à ce grade fin juillet.

Le corbillard passe lentement entre les tombes. Les amis du poète ont tenu à l’accompagner, il y a un petit groupe autour. Parmi eux, la journaliste, essayiste et aviatrice Louise Faure-Favier, une amie très proche, qui avait un projet de ballet en collaboration avec Apollinaire et le musicien Erik Satie. Elle nous confiait tout à l’heure avoir participé à la préparation du corps. Elle a placé un crucifix entre ses mains et elle l’a revêtu de son uniforme militaire, sa croix de guerre agrafée dessus. Cet uniforme qu’on le voyait souvent porter fièrement, avec son bandage autour de la tête depuis sa blessure, reçue il y a un peu plus de deux ans, sur le Chemin des Dames, le 17 mars 1916. Il avait survécu à cet éclat d’obus qui lui a traversé le casque. L’obus roi, disait-il, en référence à l’un de ses autres amis, Alfred Jarry.

La foule a-t-elle salué le corps du poète ?

Il y a beaucoup de monde en effet dans les rues de Paris. On a croisé cette foule pendant tout le trajet depuis l’église Saint-Thomas-d’Aquin, dans le 7e   arrondissement, là où s’est tenue la cérémonie religieuse.

Mais cette foule, en fait, est en liesse. Elle fête encore l’armistice tout récent du 11 novembre. Et elle crie un slogan : "Il ne fallait pas y aller, Guillaume, il ne fallait pas y aller !" Mais ce n’est pas à Guillaume Apollinaire qu’elle fait référence, mais à Guillaume  II, l’empereur d’Allemagne. Enfin ex-empereur, puisqu’il a abdiqué, on s’en souvient bien sûr, il y a quatre jours, le 9 novembre, le jour même de la mort du poète. Double ironie, donc, qui aurait sans doute plu à Guillaume Apollinaire, dont l’humour était parfois féroce. Il y a un mois seulement, il se moquait du roi d’Espagne Alphonse XIII, qui a attrapé la grippe espagnole : "Un bon roi doit avoir à cœur de n’user que des produits nationaux", avait-il lancé, ignorant bien entendu qu’il en serait lui-même victime.

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