Ce discours du 1er de l'an était très attendu. Et ce fût un discours traditionnel, un discours de gauche. Et la gauche futcomblée, au-delà de ses espérances. Le discours a indiquéune nouvelle direction, un nouveau cap. Il était temps.Sans surprise,l'éducation a été érigée en priorité. Plus inattendue,l'augmentation du salaire minimum a été annoncée. "On va tousréussir ensemble" est une autre phrase mémorable de cediscours : il faut donc lutter contre les inégalités, défendrel'accès au logement pour la classe moyenne ; revoircomplètement la politique d'accueil des sans-domiciles fixes ;défendre le mariage pour tous.Et puis il y a lesriches. Il a été décidé de les mettre à contribution, en lestaxant : cet argent va permettre l'accès à la crèche pourtous les enfants. Dans ce discoursimportant de la nuit du premier de l'an, la politique, dira-t-on, arepris ses droits. **Du coup, la gauche est requinquée, revigorée etelle a retrouvé le sourire avant les élections décisives annoncéespour 2014. **En France ? Non.Aux Etats-Unis.Car celui dont je viensde parler, depuis quelques instants, n'est pas François Hollande.Ce n'étaient pas les vœux du président de la République, le 31décembre au soir ; mais le premier discours de Billde Blasio, le nouveau maire de New York , quia prêté serment le 1erjanvier au matin.Le discours du 1er janvier : une tradition à New YorkLe nouveau maire entreen fonction, comme le veut la tradition en effet, le 1erjanvier à 00h01 minute : Bill de Blasio, 52 ans, a donc prêtéserment durant la nuit de mardi à mercredi, d'abord pour unecérémonie privée, puis pour cette investiture publique.Et ce discours de 19minutes était digne d'une cérémonie nationale. Précédé par desanonymes venus parler de leur vie et de leur ville ; avecbeaucoup de chansons aussi, les Commodores, Marvin Gaye ou Daft Punk.Ils étaient plus de5.000 à y assister, munis de couvertures pour braver le froid. Et DeBlasio est allé jusqu'à organiser une loterie pour offrir cesplaces afin que ce ne soient pas toujours les mêmes qui soientinvités aux soirées.Jusqu'àson élection surprise en novembre, et son investiture mardi soir, legrand public ne connaissait guère Bill de Blasio. Qui est-il ? Bill de Blasio est ce qu'onnomme outre-Atlantique un liberal . C'est un faux-ami : cela veut dire qu'il se situe plutôt à la gauche duparti démocrate, donc à la gauche d'Obama (et peut-être même àla gauche de François Hollande).Bill de Blasio est unprogressiste qui croit à la justice sociale. Certains l'ont taxéd'être un "socialiste", vilaine insulte auxÉtats-Unis. Pourtant, il est tout sauf un gauchiste ; c'estun pragmatique. C'est la premièrefois depuis 20 ans qu'un maire démocrate est élu à New York.Bill de Blasio, c'estaussi un style Oui,et il aime les symboles. Lorsde son investiture, durant la nuit du 1erde l'an, il est arrivé en métro. Il a ensuite prêtéserment sur la Bible qui a appartenu à Roosevelt. Et c'est BillClinton qui fut le grand maître de cérémonie cette nuit-là.Et puis il y a la famille. Et quelle famille ! DeBlasio est blanc, il vit à Brooklyn ; sa femme, Chirlane, estnoire. C'est une écrivaine, qui fut lesbienne. Il la nommesimplement "ma partenaire". C'estun beau mariage multi-racial. Ilsont deux enfants beaux comme des anges. On les a beaucoup vus :surtout Dante, 16 ans : il a des cheveux extravagants, magnifiques,qui rappellent ceux de Michael Jackson au même âge sur la pochettede l'album Ben .Lemessage était clair : c'est une famille, presque comme lesautres. Et cette famille multiculturelle justement a été unatout, elle fut "l'arme secrète" de Bill de Blasio,celle qui lui a permis d'emporter la mairie, expliquent lescommentateurs américains.**Unmaire peut-il faire bouger les lignes à New York ? ** Si on prend les deuxprécédents maires de New York, la réponse est oui. Lerépublicain Rudolf Giuliani a inventé la tolérance zéro : enmatière de sécurité, il ne faut pas se contenter de punir lesgrands voleurs, il faut sanctionner le premier acte d'incivilité.Et il faut commencer par le métro et Times Square. Ce fut celaGiuliani. Et partout dans lemonde, ses idées ont été reprises.Le républicain MichaelBloomberg a défendu, lui, une nouvelle approche sociale en créant unpartenariat avec les entreprises, et en misant sur l'emploi. Il aaussi interdit la cigarette dans les cafés et les restaurants de NewYork, suscitant beaucoup de critiques avant que tout le mondes'aperçoive que c'était une mesure très populaire. Imitéedepuis un peu partout dans le monde. En cela, New York estun laboratoire.**Que peut-on en tirer comme enseignement pour la campagnemunicipale chez nous, en France ?** La campagne commencesérieusement en France demain. Il y a une chose quifrappe quand on compare l'élection de New York de celles qui sepréparent dans les grandes villes que sont Paris, Lyon et Marseille.L'élection du mairede New York se fait au suffrage universel direct. Tous les quartiersde New York votent à égalité, que l'on vive à Brooklyn,Manhattan ou dans le Queens etc. A Paris, à Lyon et àMarseille, on vote par arrondissement ou par secteur. Si vous habitezdans le XVIIIe oudans le XVIe àParis, votre vote n'a pas beaucoup d'importance car il estprobable que ces arrondissements resteront à gauche, pour lepremier, à droite, pour le second. Et à Marseille, on sait quel'élection va se faire dans le 4ème,le 5ème, le 11èmeet le 12ème.C'est le problème d'une élection indirecte à travers desgrands électeurs. C'est un mode électoral anachronique.Il faudrait changercela. Et revenir au suffrage universel direct. Et peut-être mêmeréfléchir à faire élire le maire de Paris à partir du GrandParis et non pas le limiter à ceux qui vivent à l'intérieur dupériphérique.On n'en est encoreloin. Mais ça donnerait peut-être à l'élection municipale plusde passion populaire. Une passion qu'on ne sent guère, pourl'instant, ni à Paris, ni à Lyon, ni à Marseille. Où l'onattend peut-être, pour réveiller la campagne... un Bill de Blasio.