Français du monde. Elle veut convertir les Américains au foie gras
Le foie gras sera cette année encore l'incontournable des tables de réveillons en France. Mais qu’en est-il aux États-Unis ?
Née au cœur de la Gascogne, Ariane Daguin s'est jurée depuis 30 ans de faire apprécier aux Américains le foie gras, ce mets parfois décrié.
Ce matin-là, Ariane Daguin est très occupée. Depuis une semaine, elle a une recette en tête. Et ce matin, elle est en train de découper des volailles dans son QG du New Jersey, près de New York. "J'ai pris des canards entiers et je suis en train de le désosser, explique la Française, de trier le gras d'un côté, le maigre de l'autre pour essayer de faire une terrine qui tient la route avec un peu de figues."
Ariane Daguin vit aux États-Unis depuis 40 ans
Fille aînée du célèbre chef étoilé André Daguin, elle a préféré quitter le restaurant familial d'Auch pour partir voir du pays. Une tradition de sept générations, ça pèse. En 1984, elle crée sa société à New York avec un associé texan. Elle l'appelle D'Artagnan, comme le héros gascon du roman d'Alexandre Dumas. Le logo, c'est un canard avec un chapeau de mousquetaire. Tout est dit. "Il y a un vrai personnage derrière, loyal, avec du panache. C'est l'esprit qu'on essaie d'inculquer à nos employés". "Un pour tous, tous pour un". "Faire les choses pour le bien de tous."
Des employés, Ariane Daguin en a aujourd'hui 275
Mais aussi quatre entrepôts à travers les États-Unis, 70 camions et 120 millions de dollars de chiffre d'affaires annuel. Une réussite comme l'Amérique en raffole!
"On a démarré avec 15 000 dollars, se souvient-elle. Le jour où on a ouvert, il ne restait plus que 35 dollars, juste pour garder un compte en banque. On a beaucoup galéré les deux premières années." Et puis le succès est venu. De Bush père jusqu'à Obama, D'Artagnan fournit même la Maison Blanche. Cela s'est arrêté avec Donald Trump.
Liberté individuelle
La société monte en gamme. Ses clients, restaurateurs, épiceries fines, finissent par suivre le mouvement. "Au départ, un bon poulet, c'était une volaille qui était élevée un peu dehors, explique-t-elle. Aujourd'hui, c'est un poulet de race ancienne, trois fois plus âgé et trois fois plus cher qu'une volaille lambda."
Ariane Daguin a formé des éleveurs américains grâce aux bons conseils de ses copains du Gers. Aujourd'hui, ils se bousculent. Il n'y a pas assez de place pour tous. Son foie gras, c'est uniquement du canard mulard, élevé aux États-Unis ou au Canada. Il ne représente que 8% des ventes, mais cristallise toutes les tensions. Ariane Daguin a dû aller ferrailler au tribunal à Chicago ou en Californie, faire témoigner ses vétérinaires et ses éleveurs que non, l'élevage n'est pas cruel :
"On ne fait que reproduire ce que les canards font d'instinct deux fois par an : leur foie grossit énormément, ils se gavent eux-mêmes avant la migration."
En Californie, cette histoire d'interdiction est devenue une affaire d’État, qui a fini par lui faire de la pub ! "Un truc sacré chez l'Américain moyen, c'est la liberté individuelle, raconte-t-elle. De savoir qu'il risquait de ne plus avoir le droit de manger quelque chose qu'il ne connaissait pas, ça lui a donné envie de le découvrir. Et ça nous a aidés à grandir. "
La Française projette d'ouvrir un cinquième entrepôt dans le Colorado. Un jour, elle pourrait se lancer dans l'export. Sa vie est ici, mais Ariane Daguin n'a pas tiré un trait sur la France. Elle revient chaque année dans le Gers en juin pour la féria de Vic-Fezensac.
Lui écrire : ariane@dartagnan.com
Aller plus loin
Sa société D'Artagnan
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