Chaussure à son pied à Shanghai
Un symbole, un emblème. En Chine, à partir des années 30, tout le monde, paysans, sportifs de haut niveau, hommes politiques, portait la Feiyue, petite basket de toile héritée des moines Shaolin et des adeptes du kung-fu. Mais avec la concurrence de Nike ou d’Adidas, la marque aurait disparu si un Français, Patrice Bastian, n’avait pas eu un coup de cœur pour la chaussure. « En Chine, regrette-t-il, les jeunes mettent de côté leur culture, ils ne sont tournés que vers les valeurs de l’Occident. Du coup, le patrimoine chinois disparaît. » Avec 100.000 euros investis, le jeune homme de 36 ans a permis à l’usine près de Shanghai de rallumer ces fours, et à 150 ouvriers de se remettre au travail. « La chaussure est portée à 250°, explique-t-il, c’est ce qui donne, par vulcanisation, la forme de la semelle, un peu ronde, confortable, très flexible, et qui permet tous les appuis du pied. ». Patrice Bastian, serveur dans les bars à Paris pour payer ses études d’architecte, s’envole vers le Canada à 20 ans, puis à New York, embauché comme DJ et directeur artistique dans plusieurs bars branchés. Le propriétaire l’envoie monter un club à Tokyo. Patrice prend goût à l’Asie : HongKong, Singapour, Bangkok… Patrice donne dans l’événementiel, organise des « fashion weeks », le lancement de produits pour Pernod-Ricard, ou l’ouverture de boutiques de luxe. Et c’est ici, par hasard, dans une rue de Shanghai, qu’il découvre la Feiyue, il y a 3 ans, alors qu’il s’apprêtait à rentrer en Europe. Il s’entend avec la propriétaire pour reprendre la marque et décide, l’an dernier, avec un ami designer, de redessiner la basket, et de créer une collection de 15 modèles, dont un en cuir. Un an sans se verser de salaire dans leur petit bureau de Shanghai. Pour l’instant, la basket n’est vendue qu’en Europe (France, Angleterre, Espagne), bientôt aux Etats-Unis et dans les Pays scandinaves, mais toujours pas en Chine, par crainte des contrefaçons. « On voudrait que les Chinois se mettent dans la tête qu’à part faire des copies à très bas prix, ils ont des produits hyper intéressants. » Patrice Bastian s’est mis au mandarin, aux arts martiaux, auprès d’un maître réputé de Shanghai, et au business avec les Chinois, très durs en affaires, « ils veulent de très gros volumes, tout de suite. Il y a de la bataille, parce qu’on passe après tout le monde. » Quant à son diplôme d’architecte, il s’en servira peut-être un jour… juste pour construire sa maison !
Aller plus loin
Retrouvez ce portrait dans Courrier Cadres le mensuel des cadres acteurs de leur vie professionnelle, en kiosque.
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