Anaïs Brunet, professeure : "C'est un métier gratifiant même s'il y a de plus en plus de difficultés"
"Le métier de professeur reste un métier gratifiant même s'il y a de plus en plus de difficultés, je pense que ce qu'il faut accepter c'est de planter des graines qu'on ne voit pas pousser." Anaïs Brunet est professeure d'histoire-géographie au collège Jean Jaurès d'Evreux (Eure). L'enseignante exerce depuis neuf ans.
Sa journée type : huit heures de classe devant des élèves. "Et ça, c'est sans la préparation des cours, détaille l'enseignante, c'est sans tout ce qu'on doit faire à côté, car maintenant on doit rentrer les cours en ligne. C'est sans la correction des copies. Quand on part en week-end ou en vacances, nous n'avons pas que du temps libre."
Anaïs a entre 25 et 30 élèves par classe. "C'est trop, se désole-t-elle, car c'est entre 25 et 30 élèves mais c'est surtout 30 individualités avec chacune leurs problèmes, leur origine sociale." Anaïs se désole aussi du manque de moyens, dans un collège qui compte entre 600 et 700 élèves. "Il n'y a qu'une seule salle informatique pour l'ensemble des collègues, dénonce l'enseignante. Sachant qu'un tiers des ordinateurs ne fonctionnent pas."
"Le goût de l'effort est compliqué"
Plus d'un jeune sur dix est "en difficulté de lecture" en France, selon une étude du ministère de l'Education nationale, qui s'appuie sur des tests conduits auprès des 750 000 participants à la Journée défense et citoyenneté en 2022. "C'est une génération de l'immédiateté, donc le goût à l'effort est compliqué, regrette Anaïs Brunet. Faire un brouillon pour préparer une réponse, c'est très difficile de leur faire comprendre que ce n'est pas un travail en plus, qu'ils en ont besoin. S'ils n'ont pas immédiatement le sens des apprentissages qu'on leur apporte, ils n'ont pas de motivation à le faire."
"Aujourd'hui l'autorité doit se construire. Un prof qui va arriver en pensant avoir une autorité frontale, ça ne marche plus."
Anaïs Brunet, professeure d'histoire-géographieÀ franceinfo
"On fait une équipe avec les élèves, on est capitaine d'équipe mais les élèves respectent l'autorité d'un prof lorsqu'ils le sentent bienveillant, quand ils ont confiance en lui", assure l'enseignante.
Après l'assassinat de Samuel Paty, ce professeur de 47 ans décapité le 16 octobre 2020, l'enseignante assure avoir été choquée, tétanisée devant sa télévision. "Passé le choc, c'est vrai qu'on réfléchit à ses pratiques, on s'est tous posé la question de savoir si maintenant on était en danger en montrant tel ou tel document, reconnaît Anaïs. Mais moi je n'ai pas envie de me censurer. Donc il faut ouvrir la discussion avec les élèves (…) Il y a un lien de confiance à travailler avec les classes pour se sentir en sécurité (…) Ils ont la liberté d'expression, quitte à dire des choses choquantes. Je préfère qu'ils disent ce qu'ils ont en tête et qu'on puisse en débattre et discuter après, plutôt qu'un élève qui va être taiseux, qui va penser tout le contraire de ce que je suis en train de lui dire mais qui ne va pas le manifester."
"Essentielles", un podcast franceinfo de Salhia Brakhlia, à retrouver sur le site de franceinfo, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.
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