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Ségolène Royal, celle qui n'a jamais tort !

Tous les soirs, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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L'ex-candidate à la présidentielle, Ségolène Royal, à Deauville (Calvados), le 6 septembre 2020.
 (LOIC VENANCE / AFP)

Ségolène Royal, finaliste malheureuse face à Nicolas Sarkozy lors de l'élection présidentielle de 2007, espérait être élue sénatrice des Français de l'étranger dimanche 26 septembre, à l’occasion de l’élection sénatoriale partielle. Elle s’est présentée à la tête d’une liste citoyenne mais n’a obtenu que 2% des voix. Une déroute due à tout… sauf à elle-même, c’est bien cela ?

C'est toute la cruauté de la politique. Après avoir été défait, il faut encore réussir à expliquer les raisons de la défaite. C'est cet exercice auquel s'est livré Ségolène Royal ce mardi 28 septembre matin sur France 2. Et aux grands maux, les grands remèdes. Ça a été un festival de stratagèmes disons, discutables. Le principal responsable de la situation, c'est bien sûr le parti socialiste qui a refusé de lui donner l'investiture selon elle. Pourquoi ? Pour une raison simple qu'elle a expliqué sur France 2 : "Je suis trop libre je pense. Ma liberté les dérange. Mais il faut bien des paroles libres, des paroles qui rassemblent dans une organisation politique." Elle serait une femme trop libre. Une explication intéressante. C'est un sophisme, c'est-à-dire un raisonnement biaisé et fallacieux. En l'occurrence c'est ce qu'on appelle une affirmation du conséquent : elle consiste à partir d'une observation puis à avancer une cause qui l'explique en laissant volontairement toutes les autres hypothèses dans l'ombre. Par exemple : le sol est mouillé, c'est donc qu'il a plu. Possible. Ou alors, il a fait grand soleil et c'est le poissonnier qui vient de nettoyer son étal. De la même manière : le PS m'a refusé l'investiture, c'est donc que je suis trop libre. Peut-être. Ou alors, on peut entendre la volonté de renouveler le personnel politique et la réticence à investir une femme qui a appelé à voter pour Emmanuel Macron contre le candidat socialiste à la dernière présidentielle. 

Une affaire qui pourrait avoir des conséquences sur la candidature d'Anne Hidalgo

C'est du moins ce qu'affirmait ce mardi 28 septembre Ségolène Royal, toujours sur France 2 : "L'appareil du parti ne lui a pas rendu service parce que la semaine même où le parti me refusait l'investiture et parachutait un candidat contre moi, Anne Hidalgo s'est effondrée dans les sondages pour atterrir à 4%, parce que les gens n'aiment pas le sectarisme." Vous avez bien entendu. La même semaine Anne Hidalgo - candidate à l'élection présidentielle de 2022 - a plongé dans les sondages et son parti - le PS - a refusé l'investiture à Ségolène Royal. C'est donc qu'Anne Hidalgo a plongé dans les sondages parce que le PS a refusé son investiture à Ségolène Royal. Ce raisonnement, tout le monde voit qu'il est frauduleux et pour cause, c'est ce qu'on appelle un sophisme de la fausse cause qui consiste à prétendre que - parce que deux phénomènes se passent en même temps - l'un serait cause de l'autre. C'est ce qui permet de justifier toutes les superstitions. Par exemple : l'autre jour j'ai passé une journée horrible et le matin j'avais croisé un chat noir, c'est donc que les chats noirs portent malheur. Voilà comment Ségolène Royal arrive tout de même à nous expliquer que l'affaire de sa candidature aux élections sénatoriales des Français de l'étranger possède en réalité des implications majeures pour l'élection présidentielle.

Difficile pour Ségolène Royal de se justifier après sa défaite

Au fond, mon objectif était surtout de mettre en lumière ces deux sophismes que l'on croise très souvent en politique mais aussi dans la vie quotidienne. Cela dit, je pense malgré tout que ce genre de déclaration n'est pas anodine du point de vue de la confiance que les citoyennes et les citoyens placent en leurs représentants, parce que même si nous ne sommes pas capables de mettre exactement le doigt dessus, nous sentons bien, toutes et tous, que nous sommes en train de nous faire balader. Peut-être serait-il temps que les hommes et les femmes politiques soient capables de reconnaître simplement leurs erreurs et leurs défaites et même pourquoi pas, aient le courage d'en tirer enfin, toutes les conséquences.  

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