Les Républicains : peut-on gagner en perdant ?
Alors que le parti Les Républicains n'est plus que la quatrième force de l'hémicycle depuis le résultat des élections législatives, ses dirigeants se comportent comme les grands gagnants du scrutin.
Peut-on gagner en perdant ? C’est en effet la question à laquelle nous allons tâcher de répondre. Parce que, oui, sans le moindre doute, avec un nombre de députés quasiment divisé par deux, c’est une rude défaite pour Les Républicains lors de ces élections législatives. Et pourtant, ça n’était pas l’impression donnée par Rachida Dati en interpellant Emmanuel Macron sur BFMTV, mardi 21 juin. "La première chose que je pourrai lui dire, c'est de revenir vers la réalité du pays, vers le réel, déclare la maire du 7e arrondissement de Paris. Compte tenu du résultat des élections législatives, le réel c'est nous. C'est incarné par Les Républicains, par la droite que nous sommes."
La position des Républicains renforcée
Voilà, au terme de ces élections, le réel, ce serait eux, et c’est donc vers eux que devrait se tourner le président de la République. Et… ce n'est pas faux ! Nous retrouvons, ici, tout le paradoxe de cette élection. En contraignant le bloc présidentiel à une majorité relative, les bons résultats de la gauche et de l’extrême droite ont, en réalité, renforcé la position des Républicains. N’oublions pas qu’une partie d’entre eux siègent d’ores et déjà sur les bancs de la majorité présidentielle. Voire sont ou ont été au gouvernement. Édouard Philippe et Jean Castex bien sûr, mais aussi Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Éric Woerth, Damien Abad… Il n’y a plus rien d’original à remarquer la porosité qui existe entre la politique menée par Emmanuel Macron et celle défendue par les Républicains. C’est donc vers eux que le Président de la République devrait, en effet, logiquement, se tourner pour tenter de faire adopter ses réformes.
Et pourtant, Les Républicains continuent de se présenter comme un groupe d’opposition. Mardi matin encore Rachida Dati, mais également Christian Jacob, sur France Inter, et François-Xavier Bellamy, sur Public Sénat, n’ont cessé de le rappeler. "Nous nous avons une ligne très claire, nous sommes dans l'oppostion. Nous avons fait campagne dans l'oppostion à Emmanuel Macron. / Nous sommes dans l'oppostion à Emmanuel Macron, nous restons dans l'opposition à Emmanuel Macron. / On ne veut pas de participation au gouvernement. / Encore une fois je le redis, nous sommes dans l'opposition. / Nous sommes dans l'opposition à Emmanuel Macron."
Voter des réformes sous certaines conditions
Malgré des voix discordantes qui souhaitaient un accord de gouvernement, Jean-François Copé notamment, Les Républicains ont donc tranché. Ils restent, clairement, dans l’opposition. Et pourtant… ils n’excluent pas de voter certaines lois avec la majorité présidentielle. "On est prêts à faire des propositions que nous avons sur la table. / Il y aura chaque fois des propositions qui seront faites. / Nous savons ce que nous avons proposé à nos électeurs. / Charge au gouvernement et à sa majorité, ou ce qu'il en reste, de les accepter ou pas. Sur le pouvoir d'achat, on a des propositions très claires. / Si ce projet est le nôtre, on ne va pas voter contre, à condition qu'il soit le nôtre."
Les Républicains accepteront donc de voter des réformes… à condition que ce soient les leurs ! Et c’est intéressant, parce que c’est, en fait, totalement conforme à la définition de ce qu’est une opposition parlementaire. Un groupe d’opposition, ça n’est pas un groupe qui ne n’accepte aucun texte. C’est un groupe qui n’accepte aucun compromis. C’est exactement ce que sont en train de dire Les Républicains !
VIDÉO ▶ Résultats des élections #legislatives2022
— franceinfo (@franceinfo) June 19, 2022
Le président des Républicains évoque un "échec cinglant pour Emmanuel Macron"https://t.co/kYDVNX58Uq pic.twitter.com/vBFlADG9oW
Nous avons donc un groupe dominé lors des élections qui se comporte de manière dominante dans les négociations. Alors, oui, c’est étonnant mais c’est en réalité cohérent avec ce que nous dit la théorie ! Dans une négociation, il est crucial de distinguer le rapport de force, du rapport de puissance. Ici, le rapport de puissance est clair. Il est nettement en faveur de la majorité présidentielle, qui a quatre fois plus de députés que les Républicains. Mais le rapport de force, lui, est plus complexe. Et il est notamment déterminé par une question toute simple. Que se passe-t-il en cas d’absence d’accord ? Quel est le plan B d'Emmanuel Macron. Il est clair : être réduit à l’impuissance, ne pas pouvoir gouverner, finir par dissoudre l’Assemblée piteusement, et devoir affronter les élections dans une dynamique défavorable. Ce n’est pas une perspective très agréable.
Pour les Républicains en revanche, le plan B n’est pas si mauvais : attendre. Attendre les prochains scrutins, et espérer réaliser un meilleur résultat. Dans les discussions qui vont s’ouvrir, paradoxalement, c’est de leur côté que penche le rapport de force. Cela explique pourquoi les responsables Républicains fanfaronnent autant depuis mardi. Et cela explique également pourquoi les membres de la majorité semblent commencer à explorer la possibilité d’autres alliances. Quitte à aller chercher des voix, comme certains l’ont déjà évoqué, à l’extrême droite de l’hémicycle.
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