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Les jeunes politiques sont-ils déjà vieux ?

Tous les jours, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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 Clément Viktorovitch, le 27 janvier 2022. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Mercredi 26 janvier se tenait l'émission "Place aux jeunes" sur LCI. En plateau, huit jeunes responsables politiques, âgés de 22 à 35 ans, et représentant les principaux candidats à la présidentielle, étaient invités à débattre.

La politique  provoquerait-elle un vieillissement précoce ? C'est une question qu'il est possible de se poser au terme des deux heures de débat ! L'objectif de l'émission était pourtant largement partagé: permettre une meilleure expression de la jeunesse, qui tend à peu s’exprimer dans les urnes, tout en concourant au renouvellement du personnel politique. Mais il semblerait qu’aux âmes bien nées, les vieilles ficelles politiques n’attendent point le nombre des années. On a pu le constater dès la première question au moment de se présenter. " Moi j'étais sur les bancs de la fac, j'avais 20 ans, j'étais en colère./ Vous savez moi j'ai grandi en Essonne dans un territoire où vivent des personnes qui sont issues des classes populaires./ J'ai grandi dans un petit village d'Ardèche, j'ai fait mes études à Lyon et j'ai eu la chance d'intégrer une grande école parisienne./ J'étais étudiante boursière, j'avais plusieurs petits boulots pour payer mes études en même temps. Et je pense que comme beaucoup de jeunes, j'ai vécu la galère."

Une succession de phrases moins anecdotique qu’il n’y parait. Ce sont des éléments de biographie personnelle qui ont été mis en sens pour entrer en résonance avec un récit politique préétabli. Ou, comme on le dis plus communément : c’est du storytelling. Alors, entendons-nous bien : il s’agit d’une technique rhétorique parfaitement légitime et respectable. En revanche, elle est un poil convenu… 

Un florilège d’attaques ad personam

Ils s'expriment comme des responsables politiques, d’ailleurs, le fait est qu’ils le sont presque tous déjà. Autour de la table, il y avait soit de jeunes élus, soit les responsables des mouvements de jeunesse en soutien aux candidats. Et ce qui est intéressant, c’est qu’ils ne font pas que "parler" comme des hommes et des femmes politiques : ils débattent également comme tel."On a placé au cœur de notre projet le revenu citoyen dès 18 ans./ Nous, on a une proposition centrale, c'est des emplois spécifiques pour les jeunes./ Nous, l'idée c'est d'aller plus loin. / Nous voulons un revenu pour tous les étudiants./ Quand nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons commencé par supprimer la cotisation sécurité sociale étudiante."  

Voilà une petite sélection de ce que nous avons pu entendre hier soir : un florilège d’attaques ad personam, c’est-à-dire, visant à la disqualification directe des interlocuteurs. Tous les procédés y sont passés : les accusations de démagogie, le dénigrement sur la foi des sondages, les allusions liées à l’âge ou au métier et, même, l’accusation tout à fait traditionnelle de langue de bois !

Un schéma d'attaque riposte habituel

Lorsqu'il a été question du fond, cela nous a permis de mieux cerner ce qui sépare certains des programmes. Mais les participants ont malgré tout passé une partie conséquente du débat à s’échanger des amabilités. On a même eu droit, à plusieurs reprises, à un classique intemporel du débat politique. "Il y a beaucoup de propositions démagogiques qui ont été avancées. / Comme vous voulez tous le faire un petit peu de manière démagogue./ Il y a une forme de démagogie sur tout un tas de sujets. / Vous êtes un jeune étudiant parisien, vous n'avez pas cette expérience de ce que c'est de travailler dès 18 ou 19 ans. / Vous représentez 3%, 8%, 3% et 4 %. / Même chez les jeunes la langue de bois ça existe visiblement."

L’éternelle tactique consistant à interrompre l’adversaire pour polluer l’expression de sa pensée, contrée chaque fois par la réplique consacrée : "je ne vous ai pas interrompu, soyez gentil de me laisser finir !".  C’est un schéma d’attaque riposte auquel on est habitué depuis l’aube de la confrontation politique à la télévision. En cette matière-là, aussi, ces jeunes hommes et femmes politiques se comportent déjà comme leurs aînés.

Néanmoins, peut-on réellement reprocher à ces jeunes de s'exprimer comme leurs prédécesseurs ? Au fond, avant d’être des jeunes, les hommes et les femmes invités mercredi sont des porte-paroles. Hier soir, ils défendaient des candidats et, peut-être même, des convictions. Et ils l’ont fait de la manière la plus efficace qu’ils connaissaient, c’est-à-dire, celle de leurs modèles. Je vois mal comment on pourrait à la fois appeler de nos vœux l’entrée des jeunes dans la sphère politique, et en même temps les couvrir d’opprobre quand ils prennent la parole avec sérieux, et en respectant les codes de l’exercice. L’émission d’hier était peut-être moins rafraîchissante que prévu. En revanche, elle était d’une certaine tenue !

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