Législatives 2022 : tous gagnants ?
D’après le ministère de l’intérieur, c’est la coalition présidentielle qui est arrivée en tête au terme du premier tour, ce que contestent vivement les représentants de la Nupes. Mais plus généralement, les commentaires des responsables politiques interpellent. À les écouter… tout le monde a gagné !
Une élection sans vaincus : c’est tout de même formidable ! Et c’est l’impression qu’on peut avoir mardi 14 juin en écoutant les représentants des différentes forces politiques commenter les résultats du premier tour des élections législatives. À commencer par la Nupes. Pour Adrien Quatennens, sur franceinfo, c’est bien la coalition emmenée par Jean-Luc Mélenchon qui a remporté ce premier tour. "Disons les choses, même si ça déplaît à Monsieur Darmanin et Monsieur Macron qui sont en train de faire en sorte que même à quelques voix, Emmanuel Macron apparaisse en tête de ces élections législatives, affirme Adrien Quatennens, il est battu : voilà, point ! Il est battu en nombre de voix et nous sommes en tête. Ces élections législatives sont donc un camouflet, une sévère défaite pour Emmanuel Macron."
Législatives 2022 : "Le ministère de l'Intérieur bidouille" les résultats du premier tour, réaffirme Adrien Quatennens. Emmanuel Macron "est battu en nombre de voix et nous sommes en tête", insiste le coordinateur national de La France insoumise. pic.twitter.com/sfs3W5AXeE
— franceinfo (@franceinfo) June 14, 2022
Emmanuel Macron serait battu, ces élections seraient un véritable camouflet, et… ce n'est pas faux ! En 2002, 2007, 2012 et 2017, les présidents Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron avaient bénéficié d’une confirmation très nette de leur élection dès le premier tour des législatives. Pour son second mandat, Emmanuel Macron voit sa majorité menacée, sérieusement, par la Nouvelle Union populaire : c’est effectivement une contre-performance.
Chacun son interprétation des résultats
Mais ce n’est pas la seule manière de lire ces résultats. Bruno Le Maire nous en offre une interprétation très différente. Le ministre de l’Économie, était sur France 2, et nous parle du score de la Nupes justement. " Oui la réalité c'est qu'il est un peu déçu. Le score de Jean-Luc Mélenchon, contrairement à ce que j'entends depuis avant-hier, il est décevant. Il a rassemblé des carottes et des navets, des gens qui ne sont d'accord sur rien et malgré cela il n'améliore pas le score de la gauche par rapport à 2017."
Malgré l’union, malgré la dynamique, malgré l’usure du pouvoir, la gauche n’améliore pas son score par rapport au 1er tour de 2017. Et… c’est vrai ! En comptant large, le total gauche de 2017 s’élevait à 27,6% au premier tour. Dimanche, la Nupes était à 25,7% : 2 point de moins ! Alors, c’est vrai que le total gauche, en ajoutant les listes dissidentes, dépasse celui de 2017, mais il n’empêche, malgré la gauche rassemblée, on ne peut pas parler d’un raz-de-marée.
Pour le Rassemblement national, en apparence, la situation est plus simple. Avec 18% des suffrages, bien que le RN améliore nettement son score de 2017, il arrive loin derrière la Nupes et Ensemble. Un résultat décevant, donc, pour cette force politique arrivée deuxième à la présidentielle. Marine Le Pen, sur RTL, a une autre interprétation. "À l'issue de ce premier tour des élections législatives, le Rassemblement national est le premier parti de France, assure Marine Le Pen. La réalité c'est que Nupes, c'est une coalition de quatre partis politiques, et Ensemble, c'est une coalition de trois partis politiques." Le Rassemblement national serait donc le premier parti politique de France. Et… c’est difficile à évaluer. Les résultats de la Nupes et d’Ensemble n’étant pas donnés dans le détail par le ministère de l’Intérieur. Mais en effet, ce n’est pas impossible !
Des élaborations théoriques
En définitive tout le monde n'a pas gagné. Au contraire : en définitive, personne n’a gagné. Du moins, personne n’a encore gagné. Il faut tout de même se rendre compte de l’état actuel du débat public. Voilà trois jours que les responsables politiques tentent de tirer des conclusions du premier tour… alors qu’il y a un second tour dimanche prochain. Elles seront là, les conclusions ! La seule chose qui comptera, ce sera de savoir quelle formation obtient la majorité des députés à l’Assemblée nationale. Tout le reste, ce sont des élaborations théoriques qui n’auront plus la moindre valeur sitôt les résultats du second tour connus. Et puis, plus fondamentalement. Tout cela nous révèle une règle essentielle en rhétorique. Les données chiffrées ne sont jamais univoques. Selon la valeur que nous prenons comme point de comparaison, elles peuvent mener à des interprétations radicalement opposées. La véritable question, dès lors, ce n’est pas seulement de savoir si les chiffres sont justes, mais surtout de déterminer quels sont ceux, parmi eux, que nous jugeons pertinents pour évaluer la situation.
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