Le débat des Républicains : l'affrontement des postures
Tous les soirs, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.
Le premier des quatre débats entre les candidats à l'investiture du parti Les Républicains pour l'élection présidentielle 2022 s'est déroulé lundi 8 novembre. Avant le congrès du 4 décembre, qui désignera le représentant de LR au scrutin du mois d'avril, les cinq prétendants ont confronté leurs points de vue durant plus de trois heures. Pourtant, alors que c'est le grand jeu après un débat politique d'ampleur, il est inutile de chercher à désigner un vainqueur.
Il arrive en effet qu’une telle interrogation ne présente aucun intérêt et c’est le cas avec le débat d’hier. Tout d’abord car, sur la forme, Michel Barnier, Xavier Bertrand, Eric Ciotti, Philippe Juvin et Valérie Pécresse se sont globalement préservés les uns les autres. Les cinq candidats ont manifestement voulu donner l’image d’une famille rassemblée. De plus, sur le fond, la très grande convergence de leurs propositions est frappante. Il y a bien sûr quelques nuances, sur la réforme de l’Etat ou l’énergie éolienne par exemple, mais, dans l’ensemble, les interventions se sont complétées plus qu’elles ne se sont confrontées.
Entre affirmation d'une stature et attaques
Les candidats ont donc cherché à faire la différence en travaillant la seule chose qui leur permet de se singulariser : leur posture, leur stature, en résumé l’image qu’ils renvoient d’eux-mêmes. Philippe Juvin, élu Les Républicains de longue date et médecin, que l’on a beaucoup entendu durant la crise sanitaire, restait malgré tout le moins connu des candidats. Il s’est donc attaché à défendre sa légitimité en rappelant son expérience. "J'assume en tant qu'ancien député européen qu'il faut que l'Europe commence à protéger ses frontières", a-t-il ainsi lancé, avant de rappeler que "cela fait vingt ans qu'[il est] maire". Philippe Juvin a également précisé qu'il a "été il y a une douzaine d'années médecin militaire en Afghanistan" et que la santé est un domaine qu'il "[connaît] particulièrement". Ainsi, par petites touches, Philippe Juvin a construit une image à la fois singulière et efficace : celle d’un élu de terrain, responsable politique expérimenté mais pas politicien de métier.
Évidemment, la stratégie ne pouvait qu’être différente pour Valérie Pécresse. Présidente de la région Île-de-France et parmi les favoris de ce vote, elle n’avait pas besoin de défendre sa légitimité. Elle en a donc profité pour attaquer chaque candidat tour à tour. Valérie Pécresse est la seule a avoir écorné ses adversaires lors de ce débat. Les attaques restent cependant peu belliqueuses car la présidente de la région Île-de-France cherchait moins à nuire à ses interlocuteurs qu’à construire une image positive d’elle-même : celle d’une candidate pugnace, motivée, prête à aller au combat.
Xavier Bertrand a d'ailleurs suivi la même stratégie, à ceci près que ses saillies étaient beaucoup plus féroces car celui qu’elles ciblaient n’était pas présent sur le plateau. "Nous prendrons la responsabilité d'une France qui n'est pas endettée mais surendettée. A cause de qui ? Monsieur Macron", a-t-il notamment lancé, estimant également que "sa politique est un échec". La manœuvre est habile de la part de Xavier Bertrand. On se souvient en effet qu’il était réticent à l’idée de se soumettre à un vote parce qu'il estimait qu’il était le mieux placé pour s’opposer au président de la République. En désignant celui-ci comme son seul adversaire, il tente de rétablir implicitement ce statut. Il fait comme s’il était déjà désigné et en campagne.
Entre réputation et vision de la France
Michel Bernier, négociateur du Brexit pour l'Union européenne, a adopté une autre stratégie : il s'est principalement appuyé sur cette réputation de sérieux. "Il y a une chose que les Français ne nous pardonneraient pas : dire des choses sans le savoir calculées, dire n'importe quoi dans une campagne électorale pour ne pas être capable ensuite de faire ce qu'on a dit", a-t-il ainsi affirmé. Il s'appuie donc sur sa réputation de rigueur de modération, estimant que "la question est d'être réaliste et sincère". En filigrane, cela lui permet d'adresser une critique voilée à ses adversaires : lui serait en mesure de faire ce qu’il promet. C’est le paradoxe des débats : en attaquant les autres, Valérie Pécresse parlait surtout d’elle ; en parlant de lui, Michel Barnier attaque les autres.
Quant à Eric Ciotti, s'il s’est singularisé sur le fond avec ses propositions, un cran plus à droite que celle de ses concurrents, c'est surtout son diagnostic qui lui a permis de se distinguer. "Je veux poser des idées pour agir parce que notre pays va mal, a-t-il ainsi affirmé. Les Français nourrissent une inquiétude sur la dégradation, le déclassement et le déclin de notre pays." Avec le portrait qu’il brosse de la France, en en faisant la description la plus pessimiste possible, Eric Ciotti confère à sa parole une coloration dramatique et il justifie la radicalité de certaines de ses propositions.Si personne n'a perdu lundi soir, il y a en revanche une grande gagnante : la droite, qui aura vu ses thèmes exposés durant plus de trois heures.
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