La rhétorique de Jean Castex
Jean Castex a remis sa démission ce lundi. Il a passé 22 mois a Matignon en tant que Premier ministre maniant avant tout une rhétorique de l'image.
Le Premier ministre Jean Castex a présenté lundi 16 mai sa démission et celle de son gouvernement à Emmanuel Macron. Durant les 22 mois qu'il a passés à la tête du gouvernement, Jean Castex a fait part d'une rhétorique de l’image dans tous les sens du terme d’ailleurs. Au moment de dresser le bilan de son action au gouvernement, c’est finalement beaucoup de son image en tant que Premier ministre qu’il est question. Il y a par exemple cette vidéo de décembre 2020 que l’on a vu ressurgir, dans laquelle on voit Jean Castex, en pleine conférence de presse, chercher désespérément ses lunettes, qui sont en fait bien en place sur son nez ! Et puis, bien sûr, son accent, qui a été la source de nombreux commentaires, au point que lui-même en plaisantait.
Proximité et d’authenticité
Certes, ces exemples sont largement indépendants de la volonté de Jean Castex. Mais ce serait oublier un peu vite que, lui-même, s’est plu à se mettre en scène avec un peu de distance, voire d’autodérision. Par exemple, quand il répond lui-même au téléphone dans un centre de vaccination pour enregistrer un rendez-vous, ou encore, lors de l’inauguration du train de nuit Paris-Nice. "Je vous souhaite la bienvenue à bord du train de nuit 5773 à destination de Nice ville, déclare dans le train Jean Castex. Exceptionnellement ce n'est pas le chef de bord qui vous parle mais le Premeir ministre." En termes de communication, ces mises en scène sont à la fois assez classiques, et jamais totalement anodines. Elles visent à renvoyer une certaine image d’un responsable politique, si possible cohérente avec celle dont il bénéficie déjà, en l’occurrence, une impression de proximité et d’authenticité. En rhétorique, jouer sur l’image que l’on renvoie, c’est ce que l’on appelle travailler son ethos.
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Ce travail peut passer aussi par le discours. La manière dont nous parlons détermine en partie l’impression que nous projetons. Et c’est ici que l’on rencontre un intéressant paradoxe. Pour Jean Castex, travailler son image est passé, notamment, par le fait d’employer des images. Au fil des mois, il nous a proposé de très nombreuses métaphores. "Ce qui bouge madame, c'est le virus. Vous savez, il est un peu imprévisible. Il nous fait des cadrages-débordements comme on dit au rugby. / Ne cherchez pas à juger notre stratégie vaccinale qui va prendre plusieurs mois. On ne juge pas un match qui va durer 90 minutes à la deuxième seconde. / Le virus galope et vous tirez sur le frein à main. Que pensent nos concitoyens de ces facéties."
Sincérité ou stratégie ?
"Le virus fait des cadrages débordements ; la vaccination est un match qui ne se juge pas à la deuxième seconde ; le virus galope, et certains tirent sur le frein à main." Des métaphores sportives, automobiles, animales, bref : inspirées du savoir et de la culture populaire. Et ce n’est pas fini. À l’occasion de la campagne électorale, Jean Castex nous a confié son amour pour les fables de La Fontaine. "Il y a un chat qui s'appelle Raminagrobis, lance Jean Castex. Ce chat il est tout doux, tout gentil et quand ce pauvre petit lapin et cette pauvre belette arrivent jusqu'à lui, il les croque. Il les mange. C'est ça. Derrière Marine, il y a toujours un Le Pen, il faut quand même le rappeler." Jean Castex va donc puiser ses images ses allégories dans la sagesse populaire, et ses métaphores dans les loisirs du quotidien.
Il est tout à fait possible que Jean Castex soit sincère. Mais on ne peut pas s’empêcher de remarquer que tout, dans sa communication, converge. Sa manière d’être, de se mettre en scène, sa communication et, même, ses métaphores, renvoient l’image d’un homme simple, proche du peuple. Un homme que, peut-être, il est. Mais cela a pu faire oublier qu’il est, également, un énarque, haut fonctionnaire, grand serviteur de l’Etat sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui a appliqué avec méthode et efficacité la politique d’Emmanuel Macron. Qu’elle soit authentique ou non : en politique, la simplicité est parfois la plus redoutable des habiletés.
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