Cet article date de plus de trois ans.

Jordan Bardella et la vaccination contre le Covid-19 : l’art de laisser planer le doute

Tous les jours, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Tous les jours, Clément Viktorovitch décrypte les discours politiques et analyse les mots qui font l'actualité. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Le gouvernement a annoncé lundi 6 décembre de nouvelles mesures de restrictions pour lutter contre la cinquième vague de l'épidémie de Covid-19. Des décisions contestées mardi matin sur franceinfo par le président du Rassemblement national, Jordan Bardella. Il proteste contre la fermeture des discothèques, demande la réintégration des soignants non-vaccinés et milite contre le pass sanitaire, le tout au motif d'arguments discutables voire trompeurs.

On peut parfaitement interroger, voire contester les mesures proposées par le gouvernement, mais ce qui interroge, c'est la raison invoquée par Jordan Bardella : "Il y a derrière ce virus une part de l'épidémie qu'on ne pourra pas contrôler de toute manière (...) Le virus circulera quand même."

Est-ce faux ? Non, c'est même vrai ! On le constate depuis maintenant 18 mois : en dépit de tous nos efforts, le virus ne cesse de repartir, et c'est le cas pour tous les pays du monde. C'est vrai mais c'est trompeur, parce que la circulation de l'épidémie n'est pas une question binaire. Ce n'est pas : "Soit le virus circule, soit il ne circule pas". Il peut évidemment circuler plus ou moins vite, plus ou moins largement. Et ça, c'est précisément ce qui fait toute la différence, en termes de tension sur notre système de santé.

Le sophisme de la solution parfaite

Jordan Bardella utilise en réalité un procédé fallacieux qu'on appelle "sophisme de la solution parfaite" : dès lors qu'une solution ne règle pas parfaitement le problème, elle devrait être rejetée. Or, bien souvent, des solutions imparfaites, c'est la seule chose dont nous disposons. De plus, si l'épidémie est vouée à circuler, ce serait pour une raison bien précise selon lui : "Le vaccin nous avait été vendu comme la solution miracle, il protège des formes graves mais il n'empêche ni la transmission ni la réception du virus."

C'est l'argument massue répété ad nauseam par Jordan Bardella : de toutes façons, le virus continuera à circuler, puisque le vaccin n'empêche pas sa transmission. Est-elle vraie, cette affirmation ? C'est compliqué. Il existe effectivement un article, publié fin octobre dans le Lancet, qui semble montrer que le vaccin ne réduit pas significativement la transmissibilité du variant delta. Mais ce n'est qu'une étude isolée, réalisée dans des conditions particulières, et contredite par d'autres études. L'OMS comme le Conseil scientifique continuent d'estimer que la vaccination contribue à limiter la transmission du virus.

En revanche, là où Jordan Bardella a raison, c'est que le vaccin n'empêche pas, stricto sensu, la transmission. Qu'en déduit-il ? Puisqu'on peut encore transmettre le virus en étant vacciné, alors la vaccination devient purement un choix individuel pour ceux qui veulent se protéger contre le risque de formes graves. Et donc, autant supprimer toutes les mesures d'incitation, qui ne seraient plus justifiées. Ne serait-ce pas, à nouveau, le sophisme de la solution parfaite ? Réduire la transmissibilité du virus, ce n'est pas parfait, ce n'est pas une solution miracle. Mais si cela peut nous permettre de réduire la tension sur le système de santé et de sauver quelques vies, c'est déjà mieux que rien.

Présentées ainsi, de manière aussi péremptoire, les affirmations de Jordan Bardella semblent au mieux contestable, et au pire infondées, du moins sur le plan sanitaire. D'un point de vue politique, ce positionnement lui permet de s'adresser aux électeurs qui refusent de se faire vacciner, sans pour autant s'aliéner ceux qui ont été convaincus par la nécessité de la vaccination. Alors, oui, les arguments sont discutables. Ça ne veut pas dire qu'ils sont inefficaces.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.