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François Hollande : l’art de faire échouer une négociation

Alors que les négociations entre la France Insoumise et le Parti socialiste en vue des législatives sont en cours, François Hollande a pris la parole ce jeudi. L'ancien président de la République a donné une véritable leçon dans l'art... de faire échouer une négociation.  

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Clément Viktorovitch dans Entre les lignes, sur franceinfo, le 28 avril 2022 (FRANCE INFO / RADIO FRANCE)

L’ancien Président de la République n’accepte manifestement pas l’idée que son parti puisse signer un accord électoral sous la bannière de l’Union populaire, et il a décidé de le faire savoir ! Jeudi 28 avril au matin sur franceInfo, il s’est explicitement opposé à ces discussions qui équivaudraient, selon lui, à une disparition du Parti socialiste. Quant aux raisons de son refus, elles sont explicites. "S'il n'y a pas une renaissance des partis politiques qui représentaient jusqu'à présent l'essentiel de l'échiquier politique, assure François Hollande, et bien en 2027, vous aurez toujours Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon candidat, et un candidat du bloc central qui dira : 'vous voyez on ne peut prendre ni l'un ni l'autre, donc vous n'avez pas le choix."

La rhétorique de la pétition de principe

Le bloc central sera immanquablement réélu, à moins que les partis traditionnels, au premier rang desquels le Parti socialiste, ne réémergent comme de grandes forces politiques. Voilà pourquoi François Hollande refuse tout accord derrière la France insoumise. C’est évidemment un argument discutable. En vertu de quoi L’Union populaire, ou le Rassemblement national, ne seraient-ils pas en mesure de gagner une élection ? Par quel raisonnement le Parti socialiste, fort de ses 1.5%, pourrait-il apparaître aujourd’hui comme la principale force d’alternance ? Voilà les questions auxquelles il faudrait répondre, or, François Hollande ne s’y confronte pas un seul instant. Il commet ce que l’on appelle, en rhétorique, une pétition de principe. Un raisonnement fallacieux qui consiste à prendre comme point de départ de son raisonnement, la conclusion qui aurait, précisément, dû faire l’objet d’une démonstration. 

Lorsqu'il étaye son raisonnement, ce n'est pas beaucoup plus rigoureux. "Imaginons, le Parti socialiste disparaît : quelle serait donc l'alernative ? À gauche, ce serait de prendre la gauche radicale avec un programme dont on sait parfaitement qu'il n'est pas crédible, déclare François Hollande. Ça veut dire que le prochain gouvernement serait dans l'idée de faire une retraite à 60 ans. Tout le monde sait que c'est impossible financièrement. Ça veut dire aussi qu'on mettrait la VIe République quand chacun sait que même si on a une majorité à l'assemblée nationale, il n'est pas possible de changer la constitution." 

Des phrases lapidaires

Ici, il y a des mots importants que vous n’avez peut-être pas vu passer. Changer la constitution pour faire la VIe République ? "Chacun sait" que c’est impossible. La retraite à 60 ans ? "Tout le monde sait" que c’est inenvisageable. Le programme de la France insoumise ? "On sait parfaitement" qu’il n’est pas crédible. "On sait, chacun sait, tout le monde sait", ce sont des locutions qui introduisent un type d’argument bien particulier : des appels au bon sens. Ces phrases seraient tellement évidentes qu’elles n’auraient pas besoin d’être argumentées. Ce qui est, bien sûr, totalement fallacieux. On peut être opposé aux propositions qui sont avancées par Jean-Luc Mélenchon. On peut penser qu’elles ne sont pas pertinentes. Mais affirmer qu’elles ne seraient pas crédibles ? Voilà qui demanderait normalement un peu plus que trois phrases lapidaires. D’un bout à l’autre de l’interview, François Hollande part, au fond, du principe que La France insoumise serait illégitime à porter les espoirs des électeurs de gauche, sans jamais l’étayer d’un argument, et en omettant le score humiliant du Parti socialiste le 10 avril dernier. 

Concernant le score de la présidentielle, pour François Hollande, ce n'est pas de sa faute. "Je ne suis plus président depuis cinq ans, est-ce que je dois rappeler des dates ? J'ai forcément une part de responsabilité, pour le reste depuis cinq ans, un travail aurait du être fait par le parti socialiste. Il y a eu un défaut d'incarnation. Un parti politique, ou une candidaure, c'est une incarnation. Ce que je représente, ce n'est pas simplement une histoire. C'est une fidélité, c'est un engagement profond qui ont voulu que l'idée socialiste puisse permettre de faire avancer la République".

Il n’y a pas eu assez de travail au sein du parti, les incarnations ont fait défaut : voilà ce qui aurait mené à ce score piteux. Quant à lui ? Il confesse une "part de responsabilité", mais qu’il escamote immédiatement, en arguant qu’il représenterait surtout, aujourd’hui, un maillon de la grande histoire socialiste.  Au terme de cet entretien, on a donc le sentiment que François Hollande vit dans un autre monde, où certains faits n’existent pas. Un monde où le Parti socialiste n’aurait pas rassemblé 1.5% des voix. Un monde où le bilan de son quinquennat ne reviendrait pas sans cesse dans les débats comme un motif de vibrant de crispation. Alors, on peut comprendre que François Hollande préfère ce monde féérique à la réalité. Il n’empêche que c’est dans la réalité qu’a lieu, en ce moment, la négociation d’une union.

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