CHRONIQUE. Les primaires sont-elles vraiment une machine à perdre ?
De quoi les primaires sont-elles le nom ? Un outil redoutable au service de la conquête du pouvoir, ou une machine à faire perdre les élections ? Voilà la question qui revient régulièrement sur le devant de la scène, depuis que le Parti Socialiste a utilisé cette procédure pour désigner son candidat à la présidentielle de 2012.
Jean-Luc Mélenchon a relancé ce débat, à travers une déclaration qui a fait grand bruit dans l’émission Backseat, sur la scène de la Fête de l’Humanité. "Nous n'irons jamais dans les primaires pour une raison avérée par l'histoire, la primaire fait exploser tous ceux qui y participent. Tous ceux qui ont fait des primaires n'en sont jamais sortis vivant", explique-t-il notamment, le 15 septembre. "Deuxièmement, la primaire donne toujours la prime à celui ou celle qui clive le moins, qui fait le moins peur. Et cela s'est terminé en débandade générale", ajoute-t-il. En résumé, cela semble en tout cas mal parti pour d'éventuelles primaires de la Nupes en 2027.
Un système qui favorise le moins clivant ?
Tout le problème avec les primaires, c’est qu’on peut y voir tout et son contraire. Jean-Luc Mélenchon nous dit, par exemple, qu’elles ont pour conséquence de donner l’avantage à des candidatures modérées et peu clivantes. En effet, on peut trouver des exemples qui lui donnent raison. En 2022, Yannick Jadot s’impose contre Sandrine Rousseau, qui se revendiquait plus radicale. La même année, Valérie Pécresse l’emporte sur Eric Ciotti, ouvertement plus à droite. Ou même, en 2012, François Hollande, qui triomphe face à Martine Aubry, pourtant plus à gauche.
Mais on peut trouver autant d'exemples que de contre-exemples. En 2017 par exemple, Benoît Hamon et François Fillon ont été désignés par les primaires de la gauche et de la droite, précisément les candidatures les plus radicales. A l’époque, on avait d’ailleurs entendu de nombreux responsables politiques reprocher aux primaires de donner une prime à la radicalité. L’exemple de Donald Trump, aux Etats-Unis, désignés par les primaires républicaines, va dans le même sens. Objectivement, il semble donc difficile, aujourd’hui, de prétendre que les primaires favoriseraient mécaniquement un positionnement plutôt qu’un autre.
Parfois un outil de cohésion
Dans sa prise de parole, Jean-Luc Mélenchon avance une autre idée, celle que les primaires feraient "exploser" ceux qui y participent. Il y a effectivement des précédents. Benoit Hamon a vu ses anciens camarades de primaire le trahir les uns après les autres pour rejoindre Emmanuel Macron, malgré leur engagement à soutenir sa candidature. Ou Yannick Jadot, pour qui Sandrine Rousseau sera restée, jusqu’à la fin, une adversaire plus qu’un soutien.
Mais là aussi, on peut renverser l’argument : pour François Hollande, les primaires ont été un redoutable outil de légitimation et de cohésion, au point qu’une grande partie de ses anciens adversaires sont, par la suite, devenus ses ministres. Même dans le cas de François Fillon, que l’on cite généralement comme l’exemple d’une candidature qui a explosé en plein vol, il ne faudrait pas oublier que c’est le Pénélopegate et l’affaire des costumes qui ont entraîné sa chute. Avant cela, il caracolait dans les sondages, à la tête d’un parti uni et mobilisé.
Seul moyen pour une candidature unique
Les primaires ne sont donc ni magiques ni maudites. Elles sont critiquables. Comme le remarque les politologues Eric Treille et Rémi Lefebvre, les primaires tendent à accentuer l'hyperpersonnalisation des élections, l'hystérisation des débats, le poids des sondages dans la vie politique, et l'état de campagne permanente.
Mais elles permettent aussi d'introduire davantage de transparence et de démocratie dans la désignation des candidats aux élections. Elles ont par ailleurs pour effet d'apporter, aux camps qui les organisent, un remarquable coup de projecteur médiatique. Surtout, dans le cas d'une force politique fragmentée en de multiples partis, ce qui est de fait la gauche aujourd'hui, les primaires sont le meilleur, si ce n'est le seul moyen, de faire émerger une candidature unique.
Une liste unique, mais aux européennes
Si Jean-Luc Mélenchon est donc hostile à cette idée, peut-être faut-il y voir une part de stratégie. Il désire manifestement se garantir l'assurance de pouvoir présenter une candidature insoumise à la prochaine présidentielle.
Notons que cela ne l'empêche pas, dans le même temps, de plaider pour une liste unique, de gauche, aux élections européennes. Un scrutin historiquement peu favorable à son mouvement. L'union, c'est donc oui, quand c'est à son profit. En attendant, faute de primaire unique auquel toutes les composantes acceptent de concourir et tous les participants acceptent le résultat, la NUPES se dirige pour 2027 vers ce qu'elle a connu en 2022 : la division.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.