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La Corée du Sud invente les bâtonnets de glace anti-gueule de bois

A Séoul, en Corée du Sud, on peut acheter dans les supérettes depuis quelques jours des bâtonnets de glace anti-gueule de bois. Ce n’est pas un canular : la Corée du Sud est le pays asiatique qui boit le plus d’alcool, et le business des produits qui permettent d’apaiser les lendemains de cuite y est florissant. Frédéric Ojardias a testé la fameuse glace.
Article rédigé par Alexis Morel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (La consommation d'alccol au coeur des habitudes en Corée du Sud © Maxppp)

C’est un bâton de glace au parfum de pamplemousse, avec un arrière-goût plus difficile à identifier. Cela s’appelle "Gyeondyo-ba ", ce que l’on pourrait traduire par  "tiens le coup ". La glace contient du jus de raisinier de Chine, ce produit de pharmacopée traditionnelle supposé prévenir la gueule de bois. Son goût acidulé et fruité est en fait très éloigné de celui des herbes médicinales qui entrent dans la composition des nombreux produits anti-cuite que l’on trouve partout en Corée. Comme par exemple la boisson "Condition " qui empêche d’avoir mal à la tête le lendemain, et qui s’exporte jusqu’en Chine et au Japon. Il existe aussi des produits cosmétiques, pour garder la peau bien fraîche après une soirée trop arrosée. Selon l’agence Reuters, le marché coréen de la lutte contre le mal aux cheveux dépasse 110 millions d’euros par an. Ce chiffre n’inclut pas les restaurants de soupes anti-cuite, qu’on appelle  "haejangguk ", et que l’on trouve à chaque coin de rue.

Pourquoi les Sud-Coréens boivent-ils autant ?

La société coréenne est très compétitive, la pression sociale intense, les journées de travail interminables, la hiérarchie dans le monde professionnel très rigide. Pour beaucoup, l’alcool est un moyen rapide et facile pour lâcher un peu la pression. Par ailleurs, dans un pays où les interactions sociales sont régies par des règles strictes, la boisson permet aussi d’arrondir les angles et de jouer un rôle de lubrifiant social. D’ailleurs, c’est souvent lors des très fréquentes soirées entre collègues que subordonnés et supérieurs peuvent se parler franchement. C’est enfin souvent autour de bouteilles que les hommes d’affaires concluent des marchés. L’alcool le plus populaire en Corée est le "soju ", un tord-boyau à base d’éthanol et d’arômes artificiels. Or, une bouteille de soju coûte à peine plus d’un euro, ce qui pousse à la consommation : les Coréens boivent plus de 12 litres d’alcool par an, c’est le chiffre le plus élevé en Asie. Ils vident 14 verres de spiritueux par semaine, soit deux fois plus que les Russes !

Mais cette culture de la boisson a des conséquences sociales préoccupantes 

Cet alcoolisme provoque violences conjugales, maladies, hausse des dépenses de santé et pertes de productivité pour un coût total évalué à 7 milliards d’euros par an, selon un institut de recherche gouvernemental. La nuit, dans les rues de Séoul, il n’est pas rare de croiser des employés de bureau effondrés sur le trottoir, en train de dormir. Il y a donc un vrai problème, mais les autorités font peu d’efforts, il y a peu de campagnes de sensibilisation. Les célébrités continuent de multiplier les publicités pour le "soju ", lui donnant une image jeune et positive. C’est d’ailleurs aux jeunes générations – et à ses lendemains difficiles - qu’est destinée cette nouvelle glace anti-gueule de bois.

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