Cet article date de plus de deux ans.

En Espagne, les mendiants, prostitués et sans-abri d'Alicante risquent une amende de 3 000 euros

Le texte a provoqué la colère de l’opposition dans cette ville de Castille-et-León, où désormais les mendiants, prostituées et sans-abri seront passibles d'amendes. Les trois partis de gauche ont bien présenté de nombreux amendements mais tous ont été rejetés.

Article rédigé par franceinfo, Marie-Hélène Ballestero
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le chateau de Santa-Barbara de Alicante, le 25 février 2022. (MANUEL LORENZO / EFE)

En Espagne, le parti d’extrême-droite Vox fait son entrée, pour la première fois depuis la fin de la dictature, dans un gouvernement régional, à Castille-et-León. Vox qui est de plus en plus présent sur l’échiquier politique espagnol. C’est le cas, par exemple, dans la ville d’Alicante. Le gouvernement municipal, emmené par le Parti Populaire et Ciudadanos, a approuvé récemment, avec le soutien de la formation d’extrême-droite, une ordonnance municipale polémique qui va permettre notamment de sanctionner les mendiants, les prostituées et les sans-abri.

Une "ordonnance de coexistence civique"

Il s’agit de "l’ordonnance de coexistence civique" qui a été adoptée grâce à l’appui de Vox. Désormais, à Alicante, les mendiants, prostituées et sans-abri seront passibles d'amendes allant jusqu’à 3 000 euros. Le texte a provoqué la colère de l’opposition. Les trois partis de gauche ont présenté de nombreux amendements mais tous ont été rejetés.

De son côté, le gouvernement municipal conservateur se défend et affirme vouloir mettre fin à la prostitution et à la mendicité dans les rues de la ville, promouvoir la coexistence civique et éradiquer les mafias liées à la prostitution et à la mendicité. C’est ce que prône José Ramón González, conseiller municipal de la ville d’Alicante, en charge de la sécurité : "Avec cette ordonnance, nous allons aider les femmes prostituées à sortir de cette situation et aux personnes qui sont dans l'indigence, assure-t-il. Nous agirons contre la mendicité coercitive exercée avec violence et intimidation."

"Nous éviterons les attitudes de harcèlement, de vandalisme et nous prendrons soin de nos espaces publics pour donner une protection sociale aux personnes les plus démunies."

José Ramón González

à franceinfo

En somme, pour le gouvernement local, il s’agit de remettre "de l’ordre” dans cette ville dont l’activité économique, rappelons au passage, est très dépendante du tourisme. L’opposition, au contraire, a rebaptisé ce texte comme "l’ordonnance de la honte", qui représente une attaque contre les groupes vulnérables.

Le conseiller municipal en charge de la sécurité a affirmé que cette ordonnance répond à une demande unanime des habitants d’Alicante. Pourtant, plusieurs manifestations ont eu lieu ces dernières semaines dans cette ville, contre ce texte, et les principaux syndicats ainsi que plus de quarante associations locales ont rejeté cette ordonnance qui, d’après eux, "vise à punir la mendicité et la prostitution, au lieu d’apporter des solutions". Une ordonnance qui n’a été négociée ni avec l’opposition, ni avec les principales entités sociales. La Fondation Hogar Sí ("Un Foyer Oui") a lancé une pétition sur Change.org qui a déjà recueilli près de 50 000 signatures. Maribel Ramos est la sous-directrice de cette fondation :

"Criminaliser la pauvreté ou les sans-abris ne fait qu’aggraver les situations d’exclusion que vivent ces personnes."

Maribel Ramos

à franceinfo

"Nous voulons demander au Congrès des députés d’approuver, une bonne fois pour toutes, une loi sur l’égalité de traitement et la non-discrimination qui pourra garantir et interdire que ce type de règlement municipal ne soit plus jamais approuvé, souligne-t-elle. Nous voulons que personne ne vive dans la rue et nous souhaitons qu'aucune administration publique ne puisse infliger une amende à des gens qui vivent dans ces conditions."

Cela fait des années que les experts cherchent à donner un cadre juridique à l’aporophobie ou pauvrophobie, c'est à dire l'aversion pour la pauvreté ou attitude hostile envers les pauvres, en Espagne. Leur objectif est d'inclure ce terme dans la future Loi sur l’égalité de traitement et la non-discrimination, qui doit être prochainement débattue au Parlement espagnol. Ils sont persuadés que ce n’est qu’ainsi que les ordonnances telles que celle d'Alicante pourront être freinées.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.