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En Suisse, les fromagers se tournent vers les travailleurs étrangers et les demandeurs d'asile à cause de la pénurie de main d'œuvre

Les étrangers comblent le vide laissé par les jeunes Suisses et représentent plus de la moitié des salles de classe en formation laitière. S'ils ont le droit de se former et de travailler, les autorités peuvent cependant leur demander à tout moment de quitter le pays, au grand dam de leurs employeurs.
Article rédigé par franceinfo, Jérémie Lanche
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des boites de vacherin Mont d'Or. (SIMON DAVAL / MAXPPP)

Il fait la fierté de la Suisse à travers le monde : le fromage, évidemment ! Et, comme la fameuse place financière suisse, le secteur ne pourrait pas exister sans la main d'œuvre étrangère. Et même sans les requérants d'asile : les fromagers se tournent en effet, de plus en plus vers les étrangers pour venir leur prêter main forte dans la fabrication de gruyère ou de vacherin fribourgeois.

Pourquoi ? Tout simplement parce que le métier attire peu les jeunes Suisses. Il faut en effet se lever à 5 heures le matin, si ce n'est pas avant, pour lancer la fabrication, puis tourner les meules, travailler jusqu'à 7 heures le soir pour réceptionner le lait, avec une pause quand même l'après-midi.

"J'aime bien travailler physiquement" 

Le métier est exigeant, mais cela ne gêne absolument pas Habteab Makele, qui est employé dans la laiterie fromagerie du village d'Arconciel, près de Fribourg : "J'aime bien travailler physiquement, explique-t-il. Je suis d'une famille de paysans et avec les vaches, on faisait des yaourts maison, du beurre maison. Mais pas de fromage, qui est moins connu. J'ai découvert ça quand je suis arrivé en Suisse !"

Le plus ravi, c'est peut-être le patron, Stéphane Schneuwly, admiratif devant les progrès accomplis par son employé. Et rassuré d'avoir trouvé quelqu'un pour faire tourner la boutique : "Quand j'étais apprenti, on avait les Portugais qui étaient là et maintenant, ce sont les Érythréens. Après, je ne sais pas qui ce sera. On a toujours eu de la main étrangère. Maintenant, peut-être encore plus. On n'a pas le choix."

Habteab doit quand même obtenir son diplôme de technologue du lait. Ce qu'il devrait faire dans les prochains jours si tout se passe bien. L’histoire est belle, mais il y a un… mais. Car même si les étrangers comblent un vide et que les entreprises veulent les embaucher, elles ne peuvent pas toujours le faire.

Les autorités peuvent les expulser à tout moment

En effet, comme Habteab, beaucoup de ces apprentis ont déposé une demande d'asile en Suisse. Ils ont le droit de se former et de travailler, mais les autorités peuvent à tout moment leur dire de quitter le pays. Au grand dam des professionnels du lait qui veulent garder leurs employés : "Pour nous, ce n'est pas facile parce qu'on risque de perdre un bon collaborateur. Et je me mets à leur place : avoir travaillé cinq, six, sept ans à se former, à apprendre notre langue, pour ensuite être expédié de nouveau dans son pays... On a besoin de lui dans la fromagerie ! On va tout faire pour le garder, mais je ne sais pas jusqu'où on pourra aller."

L'enjeu est de taille. Quand on sait que le secteur du lait emploie 80 000 personnes en Suisse. Et qu'aujourd'hui, les étrangers représentent plus de la moitié des salles de classe en formation laitière.

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