En Inde, la Dame de fer arrête une grève de la faim entamée il y a 16 ans
Irom Sharmila l'a annoncé le 26 juillet, à la surprise générale. Même sa famille et les militants des droits de l'Homme proches d'elles au Manipur n'étaient apparemment pas au courant. Ceux qui soutiennent son combat sont soulagés, car sa santé commençait à se détériorer. Il faut rappeler qu'elle a commencé sa grève de la faim en 2000, après le massacre de dix civils par l'armée au Manipur. Elle refusait depuis de se nourrir et de boire et était alimentée, de force, à l'aide de tubes nasaux. Chaque années ou presque, un même scénario se jouait : Irom Sharmila était libérée puis aussitôt replacée en détention pour "tentative de suicide" et forcée d'être nourrie par voie nasale. Seuls quelques organisations séparatistes ont exprimé leur désaccord avec ce changement de stratégie, qu'ils considèrent comme une sorte de trahison de la cause.
Irom Sharmila s'oppose à la loi martiale imposée au Manipur
La loi martiale a été mise en place en 1958 dans l'Etat du Manipur pour mater la rébellion indépendantiste, dans cette région bordée par la Birmanie, à l'est, et annexée de force par l'Inde en 1949. Elle donne des pouvoirs spéciaux aux forces armées dans la région, qui peuvent arrêter n'importe qui, et même tirer à balles réelles sur des personnes soupçonnées d'être des militants armés. De nombreux abus ont été rapportés, notamment des meurtres maquillés en fusillade et des viols commis par les soldats, qui sont restés impunis.
En 2004, une trentaine de femmes avaient manifesté nues devant le quartier général du principal groupe paramilitaire qui opère dans la région, avec une banderole sur laquelle ont pouvait lire "violez nous, l'armée indienne". C'était pour dénoncer les viols récurrents commis par les militaires, qui agissent avec impunité dans la région. Aujourd'hui le militantisme est en baisse dans la région mais cette loi draconienne reste en place.
Irom Sharmila compte embrasser une carrière politique
Si elle a annoncé l'arrêt de sa grève de la fin deux semaines à l'avance, c'est aussi pour mesurer l'impact de cette annonce pour la société civile du Manipur, mais aussi dans la sphère médiatique et à l'international, selon les défenseurs des droits de l'Homme proches d'elles. Elle a bâti un capital politique énorme lors de sa grève de la faim qui a duré seize ans, devenant une icône de la lutte contre les abus de l'armée, au delà même de la simple cause du Manipur. Elle a déclaré qu'elle se présenterait aux prochaines élections de l'Etat en tant que candidate indépendante, mais elle pourrait revoir sa stratégie dans les prochaines semaines. Les militants des droits de l'Homme qui luttent pour la même cause la soutiennent mais restent prudents et souhaitent qu'elle prenne le temps de réfléchir. Ils rappellent que la classe politique du Manipur, qu'elle pourrait rejoindre si elle se présente aux élections, ne l'a jamais soutenue dans son combat.
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