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En Corée du Sud, un mouvement antiféministe prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux

Pour de nombreux Sud-Coréens, le féminisme a une connotation péjorative et  des militantes sont harcelées en ligne. Un phénomène qui témoigne de la tendance conservatrice des jeunes hommes sud-coréens.

Article rédigé par franceinfo - Nicolas Rocca
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des militantes féministes déguisées en sorcières manifestent à Séoul à l'occasion de la Journée de la femme, le 8 mars 2019. (JUNG YEON-JE / AFP)

Depuis plusieurs mois, en Corée du Sud, un mouvement antiféministe prend de l’ampleur dans un pays pourtant à l’image moderne. Porté par des YouTubeurs et des influenceurs, il révèle une tendance conservatrice des jeunes hommes sud-coréens. Les militantes féministes, elles, sont victimes de harcèlement en ligne et leurs opposants les affrontent parfois violemment lors de leurs manifestations. Il faut savoir que le féminisme a une connotation particulièrement péjorative dans l’esprit de nombreux Sud-Coréens, qui considèrent qu’il s’agit d’une idéologie radicale.

"Le féminisme est un cancer"

Certains hommes vont plus loin en luttant directement contre le féminisme. Ainsi, l’hiver dernier, à l’occasion d’une manifestation pour le droit à l’avortement, une dizaine d’hommes faisaient face aux militantes avec des slogans clairs et violents : "Le féminisme est un cancer, c’est une maladie mentale. Pourquoi ? Parce qu’elles sont folles. Elles demandent des droits, mais elles ne remplissent pas leurs devoirs de femmes… C’est pour ça que le féminisme est un cancer."

Depuis quelques mois, cette tendance antiféministe a été rendue plus visible par plusieurs polémiques en ligne. Par exemple, An San, une triple médaillée d’or en tir à l’arc aux Jeux olympiques de Tokyo a fait l’objet de critiques. En cause, sa coupe de cheveux, jugée trop courte et donc trop féministe par certains, principalement des hommes et surtout des jeunes hommes

Une étude de 2019 montrait que près de 60% des Sud-Coréens de 18 à 35 ans se disaient opposés au féminisme. Les figures de proue du mouvement sont des YouTubeurs qui se sont rendus très populaires grâce à des actions et des propos violents, comme lors de ce rassemblement féministe à Busan dans le sud du pays en juillet dernier. 

"Ce sont des misandres, elles détestent les hommes. Ce n’est pas grave si tu ne les connais pas, parce que je vais toutes les tuer."

Un YouTubeur

à franceinfo

L’homme qui parle dans cette vidéo déguisée en Joker, s’appelle WangJa ou "Le Prince", et fait partie des figures du mouvement "Solidarité masculine". Si la chaîne YouTube du groupe ne compte que 400 000 abonnés, les comptes et blogs antiféministes génèrent plusieurs millions de vues cumulées. Ces antiféministes considèrent que l’égalité des genres est déjà atteinte dans le pays, alors même que les femmes sont payées 1,6 fois moins que les hommes. Certains estiment même que les femmes sont favorisées en Corée du Sud, car seuls les hommes doivent effectuer les 18 mois de service militaire obligatoire.

Il existe plusieurs explications à cette poussée réactionnaire et conservatrice chez les Sud-Coréens de 18 à 35 ans. L’une d’entre elles est un sentiment de déclassement social et économique, car cette génération affronte le chômage et dispose de moins d’opportunité que leurs parents qui ont connu la croissance éclair du pays. Un sentiment d’échec ou de déclassement qui pousse certains d’entre eux à pointer du doigt les femmes, ou parfois les étrangers, comme la cause de leur échec.

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