Au Rwanda, l'avant-première du film "Petit Pays" réveille le souvenir de l'exil et du génocide
L'adaptation du best seller de Gaël Faye a été présentée en avant première à Kigali, samedi 7 mars. L’action se situe au Burundi, dans les années 90 mais le film a été tourné entièrement au Rwanda.
C'était un film très attendu, inspiré du livre Petit Pays de Gaël Faye, traduit dans 40 langues. À tel point que la première dame du Rwanda, Jeannette Kagame, était présente à l'avant-première. Et les trois salles de l'unique cinéma du pays, à Kigali, étaient pleines à craquer.
Pourquoi une telle effervescence ? D'abord car le film d'Eric Barbier a été entièrement tourné au Rwanda. Pour Gaël Faye, tout l’enjeu de cette adaptation était de pouvoir la tourner ici, dans la région des Grands Lacs. Mais étant donné la difficulté de tourner au Burundi et dans sa capitale Bujumbura, en raison de la situation politique, c'est le Rwanda qui a accueilli le tournage.
Des acteurs amateurs qui rajoutent leur touche personnelle
Eric Barbier, le réalisateur, a fait le choix de miser sur des acteurs locaux, souvent amateurs, et sur leur capacité à s’inspirer de leur propre histoire: "Travailler avec des gens qui ne sont pas des acteurs, cela veut dire trouver des personnalités, qui vont pouvoir rajouter des choses personnelles, propres à elles, explique le réalisateur. Je vous donne un exemple : celui des gangs qui 'balkanisent' Bujumbura. On a ramené des gens qui sont des gamins du Burundi et donc qui avaient ce rapport avec une certaine violence politique de rue". L’important était donc de rester au plus près du récit du livre Petit Pays, et des personnages qui le peuplent. Un récit inspiré de l’enfance au Burundi de Gaël Faye.
A l'issue du film, le public était conquis et bouleversé. Il faut dire que beaucoup peuvent s’identifier à l’histoire du héros, le jeune Gaby, fils d’un Français et d’une Tutsi rwandaise exilée au Burundi. Celui-ci vit une enfance heureuse à Bujumbura, jusqu’à ce qu’un coup d’Etat viennent tout bouleverser : ses parents se séparent, les tensions ethniques font irruption à l’école, la violence se déchaîne dans les rues… On le somme donc de choisir son camp. Français ou Rwandais ? Tutsi ou Hutu ? Un parcours que le public de Kigali ne connait que trop bien, comme le confirme ce jeune spectateur : "Je suis né au Burundi. Mes parents étaient Rwandais mais ils étaient exilés au Burundi, donc c'est une histoire qui me parle forcément."
L'héritage de cette histoire continue d'ailleurs de peser aujourd'hui, dans les esprits des habitants. "On essaie de construire un pays, un avenir, sans identité ethnique, mais on a grandi avec cette histoire, donc ce n'est pas facile. On essaie de s'en sortir", raconte ce spectateur.
La question ethnique est d'ailleurs clairement abordée à travers l’évocation du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 : la mère de Gaby perd une grande partie de sa famille dans les massacres. Durant tout le film, on verra donc l’histoire mouvementée des Grands Lacs à travers les yeux d’un enfant, de ses relations à ses amis et à sa famille. Car le Petit Pays, conclut Gaël Faye, c’est à la fois le Rwanda et le Burundi, mais aussi le paradis perdu d’une enfance interrompue par la violence. La sortie du film en France est prévue le 18 mars.
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