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L’UE en marche vers une fiscalité équitable

Un an après les révélations sur le scandale Luxleaks et après neuf mois d'enquête, le Parlement européen a décidé de poursuivre les travaux de sa commission spéciale sur les pratiques fiscales déloyales. Il veut pousser les États à harmoniser leurs règles et obliger les multinationales à payer leurs impôts, là où elles réalisent leurs bénéfices.
Article rédigé par Anja Vogel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Jean-Claude Juncker, président de la Commission et ancien premier ministre luxembourgeois lors de son audition par la commission TAXE du Parlement européen © MaxPPP)

 "Il y aura désormais un avant et un après Luxleaks, comme il y a eu un avant et un après Lehman Brothers ", assure le député européen Alain Lamassoure, et les faits semblent pour l’instant donner raison au président de la commission TAXE du Parlement européen. Créée après l’éclatement du scandale en novembre 2014, cette "commission spéciale" et non pas "d’enquête" a néanmoins réussi à faire un diagnostic chirurgical des pratiques d’optimisation fiscale comme les rescrits fiscaux, qui permettent aux multinationales d’échapper en partie ou totalement à l’impôt dans les pays européens où elles sont installées. Le plus souvent légalement.

Elle a mis en lumière le rôle des États comme le Luxembourg ou les Pays-Bas dans les accords secrets passés avec les entreprises. Et fait des propositions pour harmoniser les règles vers plus d’équité fiscale. "Nous traquons les mauvaises lois et mauvaises pratiques administratives pour les remplacer par des meilleures ", explique l’eurodéputé du PPE, ancien président de la commission des budgets du Parlement européen et ex-ministre du budget en France.

Et c'est aussi celui des rapporteurs du Parlement européen qui ont besoin de plus de temps pour achever leur travail. D’autant plus que leur persévérance a porté ses fruits, et que la plupart des multinationales (11 sur 13 invitées) ont fini par venir s’expliquer devant le Parlement européen. Mais certaines auditions sont intervenues trop tardivement pour pouvoir figurer dans le rapport de la commission.

Il s’agit surtout d’obtenir que "les entreprises payent leurs impôts dans tous les pays dans lesquels elles ont leur activité et ce, proportionnellement aux bénéfices réalisés ". En mettant un terme aux cadeaux fiscaux  et en obligeant les États à harmoniser leurs législations, afin qu’ils cessent de perturber le marché intérieur avec des pratiques de concurrence déloyales, "de voler leurs voisins ", comme le dénonce l’eurodéputé belge Philippe Lamberts, co-président du groupe des Verts et membre de la commission TAXE.

"En appliquant le même impôt sur les bénéfices, la même définition du bénéfice imposable ", explique Alain Lamassoure, quitte à appliquer des taux différents comme cela se fait depuis 40 ans avec la TVA.

"Éradiquer la guerre fiscale entre États membres constitue un travail de salubrité publiqu e", souligne Philippe Lamberts, qui n’hésite pas à faire le parallèle avec la "guerre contre le terrorisme ".

Ce jeudi 3 décembre, la Commission européenne, gardienne de la concurrence, a annoncé le lancement d’une enquête sur le traitement fiscal accordé par le Luxembourg à la chaîne américaine de restauration rapide McDonald’s. Un accord fiscal "qui accepte que Mc Donald’s ne paie d’impôt ni au Luxembourg, ni aux États-Unis, sur leur revenu des redevances européennes, ce qui constituerait une aide d’État illégale ".

Amazon et Fiat au Luxembourg, Apple en Irlande, Starbucks aux Pays-Bas.

Le gouvernement néerlandais vient justement de faire appel de la demande de la Commission exigeant que le géant américain rembourse jusqu’à 30 millions d’euros d’aides fiscales dont il a bénéficié "illégalement ".

Le 16 novembre, à Antalya en Turquie, les chefs d'état et de gouvernement du G20 ont définitivement adopté le plan de lutte contre l'évasion fiscale des multinationales, mis sur pied par l'OCDE, censé empêcher les grandes multinationales de contourner l'impôt grâce à ces accords de "tax rulings", et qui pousse les administrations fiscales à coopérer, en mettant en place des systèmes d'échange automatique d'informations dès 2017 et, au plus tard, avant fin 2018.

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