Le "Bulli Tour Europa" : l'Europe de l'Est à portée de voie
La curiosité pleine de tact, c'est lui. Le goût de l'aventure,
c'est elle. A 27 et 29 ans, après déjà plusieurs ouvrages et réalisations
artistiques sur la construction de l'Europe, la modernité de la Shoah et la
résilience, au sein de leur association Rodéo d'âme, Baptiste Cogitore et
Claire Audhuy partent à l'assaut du continent européen. Pas pour se dorer sur
les plages méditerranéennes, mais pour approfondir encore leur connaissance de
cette Europe de l'Est qui les passionne tant, et surtout pour aller à la
rencontre de ses habitants, leur donner la parole, recueillir leur mémoire et
mettre en lumière son actualité.
Label d'excellence de l'Université de Strasbourg
"Ils vont faire des sciences politiques et sociales in
situ ", précise Edouard Mehl, vice-président de l'Université de
Strasbourg, qui a décerné au Bulli Tour Europa son label d'excellence "pour
la cohérence, la persévérance et le professionnalisme du projet ". Claire Audhuy et Baptiste Cogitore préfèrent
parler d'un road-trip journalistique : "Nous sommes Strasbourgeois, mais qu'avons-nous de
commun avec un Ukrainien ou un Bulgare ? A quelle Europe rêvons-nous
ensemble ? Pourquoi fait-elle si peur ? ". Trois thématiques
seront déclinées tout au long du périple : identités et minorités, mémoire
et nationalisme, théâtre et résistance (Claire Audhuy, docteur ès arts, a
soutenu sa thèse sur le théâtre dans les situations extrêmes, les camps de
concentration, pendant que Baptiste Cogitore achevait un cursus franco-allemand
de journalisme au CUEJ de Strasbourg, tout en publiant un livre sur les occupants
des anciennes synagogues en Alsace).
Boris Pahor, grand témoin
La première étape du Bulli Tour Europa est symboliquement la
rencontre de l'écrivain Boris Pahor, un de nos derniers grands témoins européens
de tout le XXe siècle. Il a fêté ses 100 ans en août dernier dans sa
ville natale de Trieste dont il rappelle toujours qu'elle a subi les deux jougs
totalitaires, fasciste italien des années 20 et nazi allemand à partir de 1943. L'écrivain, qui pourrait prétendre au Prix Nobel de
littérature, résistant et déporté, a construit son œuvre sur la modernité de la lutte contre les totalitarismes, sur l'internement, le désespoir, la nécessité de dépasser le besoin de
vengeance et la haine, le risque de voir la mort l'emporter sur la vie, mais surtout sur la capacité de résilience de l'homme...
grâce à la femme. Dans Pèlerin
parmi les ombres , il traduit de manière
pudique, lucide et digne le chemin de croix du déporté politique-interné pour
y mourir au Struthof (seul camp de concentration nazi en territoire français,
annexé).
Road trip journalistique
Au total, de mai à octobre, une vingtaine de pays dont une
trentaine de villes seront traversés, "des Balkans aux pays baltes en
passant par les bords de la Mer noire ", avec quelques étapes particulièrement
sensibles : la Biélorussie, la Transnistrie et l'Ukraine, qu'ils
aborderont par Odessa, avant Kiev, Lviv et Drohobych. Des itinéraires bis sont
prévus. Chaque étape a été minutieusement préparée. Les reportages audio,
vidéo, photo ainsi que les articles seront mis en ligne chaque semaine. Sur
place, des fixeurs et des interprètes rejoindront les deux voyageurs. 150 jeunes
Européens sont associés à ce projet participatif, auquel chacun est invité à
prendre part, y compris en aidant à "remplir la jauge d'essence ", via des dons.
Il manque encore 36.000 euros, sur un budget total de 100.000 euros, qui
comprend aussi la publication d'un livre en 2015 pour "prolonger cette
réflexion de terrain sur l'Europe actuelle ". Un documentaire sera également
réalisé après le retour, prévu le 5 octobre.
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