La fidélité à l’histoire sociale, antidote contre l’extrême droite
Chômage, difficulté à joindre les deux bouts, peur de l'avenir, de
l'insécurité, peur de l'autre, le juif, l'immigré, le rom, le plus
pauvre que soi, avec qui on ne veut surtout pas partager le peu que
l’on a, tous ces clandestins dont les drames en Méditerranée nous
touchent, mais que l'on préfère ne pas voir arriver jusque chez nous;
sentiment d'abandon par une classe politique qui s'est elle-même
droitisée et se sert de l'Europe comme bouc émissaire; absence de
projet collectif, repli sur soi, renoncement... La spirale, qui mène
au vote populiste et d'extrême droite, enclenchée depuis la crise
pétrolière et aggravée par la crise financière, conduit de plus en
plus d'Européens à être séduits par un discours qui prône le
protectionnisme, l'individualisme et le repli identitaire, un pouvoir
fort, mais qui reste au service de l'ultra-libéralisme.
Absence d’un projet alternatif crédible
"*L’histoire nous montre que ces partis mettent en place des
dictatures, des gouvernements forts au service du capital, donc de
ceux-là mêmes qui nous mettent aujourd’hui dans la difficulté* ",
souligne l’économiste et sociologue Bernard Friot. Pour lui cela
s’explique par l’absence, "en face ", d’un projet alternatif
crédible. *"Nous sommes impuissants devant la fermeture d’entreprises
que leurs propriétaires ont décidées de délocaliser. C’est de tout cela
que se nourrit le Front National* ".
Le salaire à vie pour tous
Pour Bernard Friot, l’antidote, ce n’est pas la réprobation morale du
FN, mais une attitude plus offensive contre la façon dont le
capitalisme organise le travail, qui consiste à s’adosser sur des
outils déjà à notre disposition : "*le salaire à vie, tel qu’il
s’exprime déjà dans la retraite ou la fonction publique, et la
copropriété d’usage des entreprises, telle que la cotisation sociale
permet déjà de l’anticiper, car c’est par une hausse de la cotisation
maladie que l’on a financé l’investissement des CHU* ".
Et ça ne coûterait pas plus cher, insiste Bernard Friot : en effet, on
pourrait pérenniser ce "salaire à vie" pour tous les citoyens
majeurs, dans une fourchette de 1 à 4, un revenu qui irait de 1500 à
6000 euros selon leur niveau de qualification. *"Or si on considère
comme salaire moyen la somme de 25.000 euros par an, multipliée par
les 50 millions de plus de 18 ans, cela représente 1.250 milliards
d’euros, soit la somme que nous dépensons déjà pour le coût actuel du
salaire* ".
Assumer fièrement notre histoire sociale et ses acquis
En plus, assure Bernard Friot, cela nous permettrait de nous libérer
de l’emprise du marché de travail. La clef du bonheur. "Nous battrons cette fascination pour la force, et inverserons la dynamique électorale actuelle en assumant notre histoire et en revendiquant fièrement la sécurité sociale, la fonction publique et le salaire détaché de l’emploi" .
Pour Bernard Friot, "*les conquêtes de 1945 sont anticapitalistes
parce qu'elles inaugurent une autre pratique de la valeur et du
travail que leur pratique capitaliste. D’où vient le salaire des
fonctionnaires, des retraités, des soignants, des parents et des
chômeurs ? De leur travail. Ce sont les fonctionnaires, les retraités,
les soignants, les parents, les chômeurs qui produisent la valeur que
reconnaissent l'impôt et les cotisations sociales, et cela sans marché
du travail, sans mesure de la valeur par le temps de travail, sans
actionnaire et sans crédi* t".
Bernard Friot développe ses thèses au sein du Réseau Salariat.
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