Chassés par les habitants à Marseille, empêchés de s'installer à Lille, en voie d'expulsion à Strasbourg, les Roms restent les boucs émissaires idéaux dans une Europe en crise. Et mettent en lumière l'absence des politiques d'intégration au niveau local.Censure du Conseil constitutionnel : une demi-mesure ?En pleine polémique sur l'attitude des pouvoirs publics et des populations àl'égard des Roms, le Conseil Constitutionnel vient de censurer plusieursdispositions de la loi française de 1969, qui régit la circulation des gens duvoyage en France, et qui avait été critiquée à plusieurs reprises par le Conseilde l'Europe. Notamment le fait de leur imposer un carnet de circulation, avec unvisa obligatoire tous les trois mois, sous peine d'un an d'emprisonnement. Ouencore l'obligation de trois ans de rattachement ininterrompu à une même communepour être inscrit sur les listes électorales, au lieu de six mois pour les autrescitoyens.Ces dispositions ont été jugées anti-constitutionnelles.En revanche,d'autres ont été maintenues, notamment le "livret de circulation" qui doit êtrevisé une fois par an par la police ou la gendarmerie. Ce qui fait dire auxassociations qu'il s'agit d'un "simple toilettage des dispositions les plusouvertement scandaleuses ", mais que le gouvernement doit absolument légiférerpour supprimer ce "statut d'exception" qui s'applique aux 15.000 Roms enFrance.La France peut mieux faireEn tout cas Bruxelles se dit plutôt satisfaite des progrès réalisés par laFrance. "Juridiquement, la situation s'est améliorée ", estime la vice-présidentede la Commission européenne, Viviane Reding, en charge de la Justice et desdroits fondamentaux, qui avait violemment critiqué Nicolas Sarkozy en 2010 pour sapolitique d'expulsions des Roms.Aujourd'hui la France s'est mise en conformitéavec les règles européennes, notamment sur la libre-circulation, les Roms étantdes citoyens européens. Viviane Reding rappelle que les expulsions au sein mêmed'un pays, pour des raisons de salubrité, ne sont pas contestables et relèvent dela seule compétence des autorités nationales. En revanche, elle regrette que surle terrain les textes ne soient pas suivis d'effets.Pour comprendre la situation des Roms en europe, Euronews a diffusé un long reportage en mai dernier.Que ce soit en matière de logement, de travail, d'accès à la santé et àl'éducation pour les enfants, la situation reste très insatisfaisante dansl'ensemble de l'Union; alors que l'Europe met des sommes considérables à ladisposition des Etats pour l'inclusion de leurs minorités: 26,5milliards d'euros pour la période 2007-2013, dont 17 milliards d'euros pour lesRoms."Les politiques d'expulsion ne peuvent être la réponse adaptée à unesituation sanitaire souvent inhumaine et révoltante ". Karim ZéribiSeulement 5% ont été utlisés pour l'instant, s'indigne l'eurodéputémarseillais Karim Zéribi, du groupe des Verts, qui soupçonne des préoccupationsélectoralistes. Pour bénéficier des fonds européens, les élus, les collectivitéslocales doivent présenter des projets, or l'intégration des Roms n'est paspopulaire."Les politiques d'expulsion ne peuvent être la réponse adaptée à unesituation sanitaire souvent inhumaine et révoltante ", explique Karim Zéribi.Elles ne font que déplacer le problème et ne permettent de le régler, ni sur lefond, ni sur la durée.L'eurodéputé a interpellé Viviane Reding pour que la Commission européenne"fasse état d'un pouvoir de contrôle et d'évaluation des politiques nationales ",et pour que les subventions puissent aller "directement " aux collectivités localeset territoriales, sans que l'Etat ne fasse office de "percepteur ".La situation des Roms, cause insoluble ?Selon un sondage Ifop pour Dimanche Ouest France, 83% des Français se disentfavorables au démantèlement des camps illégaux de Roms (38% très favorables, 45%plutôt favorables). Pourtant, 78% des personnes interrogées estiment dans le mêmetemps que ce démantèlement n'est pas une mesure efficace et qu'elle ne fait quedéplacer le problème.Malgré un arsenal juridique de plus en plus complet et contraignant, les Romsrestent des boucs émissaires. Les mesures législatives destinées à les protégerne suffiront pas à réduire le racisme qui lesfrappe.