En direct de l'Europe. Les eurodéputés en position de force pour négocier l'interdiction totale de la pêche électrique
L'interdiction de la pêche électrique, votée cette semaine par le Parlement européen, est certes emblématique, mais elle ne constitue qu'une infime partie des mesures adoptées pour réglementer la manière dont les pêcheurs travailleront désormais dans l'Union.
Interdite il y a 20 ans pour ses effets délétères sur les espèces et les écosystèmes, la pêche électrique bénéficie depuis 2007 de dérogations, accordées à titre expérimental en Mer du Nord, au motif qu'elle serait moins barbare que la pêche aux explosifs, plus intéressante économiquement et même plus respectueuse de l'environnement : "Moins de prises non ciblées, moins d'émissions de CO2 et moins de dégâts occasionnés aux fonds marins que le chalutage à perche conventionnel", soulignait encore lundi 15 janvier dans l'hémicycle le Commissaire européen aux Affaires maritimes, le maltais Karmenu Vella.
Yannick Jadot dénonce "une arme de prédation massive"
"Vous mentez", lui a répondu l'eurodéputé du groupe des Verts, Yannick Jadot, qui dénonce une "arme de prédation massive sur les fonds marins, les poissons, les pêcheurs", et accuse Bruxelles d'avoir occulté l'avis de son propre comité scientifique pour autoriser les dérogations, comme l'a révélé l'association Bloom.
Celle-ci a mené une intense campagne de lobbying autour de ce vote, soutenue par une grande partie des élus français, pour sensibiliser les eurodéputés des autres pays. Et cela a porté ses fruits, au-delà de ses espérances : les amendements demandant l'interdiction de la pêche électrique ont été adoptés à une forte majorité de 170 voix d'écart, contre l'avis de la Commission européenne et celui de la propre commission de la pêche du Parlement européen.
La pêche électrique n'est pas pratiquée en France
Son président, le français Alain Cadec, du PPE, n'a pas caché sa joie, lui qui avait prévu un amendement de repli pour exiger au moins le maintien du statu quo si la demande d'interdiction était rejetée. Ce qui était précisément la position du gouvernement français : en rester aux possibilités de dérogation, mais seulement à hauteur stricte de 5% de la flotte de chaque pays. Les Néerlandais en sont déjà à 28% de leur pêcherie. D'où leurs pressions pour assouplir la législation, supprimer les dérogations et généraliser une pêche qui prive de nombreux pêcheurs français de ressources. La pêche électrique n'est pas pratiquée en France ; les eurodéputés demandent désormais au gouvernement d'Edouard Philippe de les soutenir clairement dans leur demande d'interdiction totale.
Une catastrophe pour les pêcheurs de notre pays, estiment les élus néerlandais
Quant aux élus néerlandais, ils sont évidemment déçus et très en colère contre ce qu'ils considèrent comme une catastrophe pour leurs pêcheurs. "Vous avez triché, vous en payez les conséquences", leur répond l'eurodéputée socialiste Isabelle Thomas. Mais ils en appellent désormais à la Commission pour retirer ce point des discussions qui s'ouvrent avec les Etats membres.
Or la pêche électrique ne constitue qu'une infime partie d'un texte qui vise à simplifier la trentaine de règlements sur les mesures techniques qui constituent la politique commune de la pêche. Et dont la philosophie est précisément le développement durable : préserver la ressource halieutique en Europe et permettre une activité économique pour les pêcheurs, en ne les autorisant à prélever qu'une partie de cette ressource. C'est ce qu'on appelle "le rendement maximal durable".
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