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En direct de l'Europe. Le projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme en France questionne l'Europe

L'examen du projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme s'ouvre lundi à l'Assemblé nationale. Un texte qui soulève déjà des critiques en Europe en raison des risques qu'il fait peser sur les libertés individuelles de manière permanente.

 

Article rédigé par franceinfo, Anja Vogel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Manifestation contre l'état d'urgence en janvier 2016 à Rennes (KEVIN NIGLAUT/ MAXPPP)

Les débats vont durer toute la semaine à partir du lundi 25 septembre, à l'Assemblée nationale, pour l'examen du projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Le texte, déjà voté au Sénat, suscite de nombreuses critiques en Europe

Le texte est critiqué en Europe, en raison des risques qu'il fait peser sur les libertés individuelles de manière permanente, en inscrivant certaines mesures dans le droit commun. Même si la France n'est pas la seule dans ce cas. Face au terrorisme, "la force est nécessaire", à l'étranger où l'armée se bat et sur le territoire national, soulignait ce 19 septembre, le Premier ministre, Edouard Philippe, lors d'un hommage national aux victimes d'attentats. Face à une menace permanente, la France a décidé de durcir sa législation, pour sortir de l'état d'urgence fin octobre, tout en conservant certaines dispositions.

La France n'est pas la seule. De nombreux pays ont emprunté le même chemin

C'est "le plus facile pour les dirigeants politiques", regrette le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks, qui a aussi critiqué les législations anti-terroristes et sur le renseignement, de la Belgique, de l'Italie du Royaume-Uni ou de la Turquie notamment. 

Il regrette néanmoins que la France, "patrie des droits de l'homme", ne se montre pas exemplaire, et n'ait pas cherché à trouver un meilleur équilibre entre sécurité et protection des libertés individuelles. Il souligne les imprécisions du projet de loi, le pouvoir discrétionnaire laissé aux préfets : "le fait par exemple de pouvoir fermer les lieux de cultes présente un danger de stigmatisation de certaines communautés et donc un risque pour la cohésion sociale", souligne le Commissaire. "Il faut punir les coupables et pas toute une communauté".

Des critiques partagées par la plupart des défenseurs des droits

À commencer par le français Jacques Toubon, qui organisait, avec le Conseil de l'Europe, la troisième conférence du réseau IPCAN (Réseau des autorités indépendantes chargées des plaintes à l'encontre des forces de sécurité), consacrée justement au "respect des droits fondamentaux et des libertés dans le contexte du renforcement de la lutte contre le terrorisme".

"Les mesures exceptionnelles et temporaires deviennent maintenant des mesures permanentes dans notre loi de droit commun, regrette le défenseur des droits de la République française, et certaines d'entre elles seront même renforcées par rapport au texte de l'état d'urgence. Ceci est une préoccupation, car c'est sur certains points un recul, un affaiblissement de l'état de droit".

Jacques Toubon souligne les interrogations et limitations dans le temps envisagées par les députés, mais pour lui cela ne suffit pas : "Il ne faut pas inscrire dans la loi des dispositions qui instituent le soupçon comme un moyen d'intervention de la police et des forces de sécurité, car on va discriminer une catégorie de personnes, par exemple celles qui pratiquent une certaine religion".

Pour les défenseurs des droits européens, cela présente un risque de "dislocation sociale"

Cet équilibre entre respect des droits et sécurité, sera aussi l'une des priorités de l'eurodéputée Nathalie Griesbeck, du groupe Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l'Europe. Elle vient d'être élue présidente de la nouvelle commission du Parlement européen dédiée à la lutte contre le terrorisme. "Face à une menace importante, globale, et qui se déploie de manière européenne, il s'agit de confronter les points de vue, de remédier aux failles et aux dysfonctionnements, d'approfondir le partage de renseignements", explique Nathalie Griesbeck, qui souhaite, "face au réseau des djihadistes, créer un réseau des États membres pour travailler, apporter des pistes, des réponses, des recommandations".

Un premier rapport sera présenté à mi-mandat, donc dans six mois

Deux autres députés européens français figurent parmi les 30 membres de cette commission spéciale : la socialiste Sylvie Guillaume, vice-présidente du Parlement européen et Arnaud Danjean, du Parti populaire européen, qui préside et finalise actuellement une revue stratégique de défense et de sécurité nationale pour la ministre française des Armées, "dans un contexte de menace terroriste, durablement élevé".

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