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En direct de l'Europe. Le Parlement européen s'attaque au harcèlement sexuel dans ses rangs

L’affaire Weinstein et l’ampleur prise par les campagnes #MeToo et #BalanceTonPorc contribuent à délier les langues, y compris au Parlement européen. 

Article rédigé par franceinfo, Anja Vogel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Plusieurs eurodéputées ont témoigné dans l'hémicycle avoir été victimes de harcèlement sexuel (Patrick Seeger/MAXPPP)

 Lors d'un débat en séance plénière cette semaine, le Parlement européen a appelé à briser le silence et à aider les victimes de harcèlement sexuel à porter plainte, "pour que la peur et la honte changent de camp"

"Mettre un terme au harcèlement sexuel"

"Dans ce Parlement européen, il n'y a pas plus de harcèlement qu'ailleurs, mais il n'y en a pas moins non plus. Et même si nous ne sommes pas tous coupables, il est de notre responsabilité collective d'y mettre un terme". L'eurodéputé du groupe socialiste, Édouard Martin, est l'un des rares hommes à avoir pris la parole ce 25 octobre dans l'hémicycle clairsemé. L'ancien syndicaliste d'Arcelor-Mittal en a même fait son cheval de bataille, depuis ce jour où l'une de ses assistantes est arrivée "blême" au bureau, et lui a raconté le harcèlement sexuel dont elle venait d'être victime. En lui confiant que ce n'était pas le premier, ni le seul.

Un "cahier" de recensement des comportements sexistes

A tel point que Jeanne Ponté tient un cahier, dans lequel elle recense tous les comportements sexistes qu'elle et ses collègues assistantes ont eu à subir depuis 2014, début de l'actuelle législature : une cinquantaine, parfois de la part d'un même eurodéputé, dont elle a préféré taire le nom. L'affaire a fait tant de bruit qu'Elisabeth Morin-Chartier, co-rapporteure du Parlement européen sur les travailleurs détachés, mais aussi questeure et présidente du Comité contre le harcèlement, a rencontré la jeune femme et a immédiatement convoqué dans la foulée une réunion extraordinaire ce jeudi 26.

Exceptionnellement, l'assistante a pu venir assistée par son eurodéputé. Édouard Martin veut "mettre fin à la précarisation des contrats de travail pour nos assistants, alors que 95 % des femmes sont licenciées quand elles dénoncent les faits". Il réclame "un audit externe qui évaluerait l'ampleur du phénomène" et la création d'"un comité spécial contre le harcèlement sexuel".

"Sortir de l'humiliation et de la honte, cesser de fermer les yeux"

Pour Elisabeth Morin-Chartier, ce n'est pas souhaitable, car "la différence est souvent ténue entre harcèlement psychologique et harcèlement sexuel. Les deux sont étroitement liés". En revanche elle souhaite "mettre en place un réseau de personnes de confiance, pour aider les victimes à parler. Nous devons sortir les femmes de l'humiliation et de la honte dans laquelle elles sont, et nous devons tous ensemble cesser de fermer les yeux". L'élue LR du Parti populaire européen souhaite également "un médiateur entre l’institution et les victimes", et insiste surtout pour que "chacun soit informé de ce qu’il risque en cas de harcèlement".

Seule une dizaine de cas avait été jusque-là signalés au Comité contre le harcèlement du Parlement européen, a priori sans dimension sexuelle. En revanche plusieurs cas de harcèlement sexuel, et même de viols, ont été rapportés directement auprès du département des ressources humaines, débouchant sur des sanctions et des mesures disciplinaires.

La peur et la honte doivent changer de camp

Karima Delli (Verts/ALE)

C'est ainsi que s'est exprimée dans l'hémicycle, l'eurodéputée du groupe des Verts/ALE, Karima Delli, avant de poursuivre : "Il y a deux hommes parmi mes assistants. M’est-il déjà arrivé de les coincer dans mon bureau ou de leur pincer les fesses dans un ascenseur ? Jamais. Jamais de la vie ! Le sentiment d’impunité est intolérable, il faut que cela cesse".

"Aussi horribles que ces actes puissent être, ils ne peuvent justifier la mise au pilori sur la place publique de présumés coupables", a toutefois nuancé l'élue FN, Mylène Troszczynski, du groupe Europe des Nations et des Libertés, insistant sur la nécessité de respecter l'État de droit et le traitement judiciaire du problème. "Le fameux hashtag #BalanceTonPorc est révélateur de l'erreur que nous ne devons pas commettre : confondre lynchage médiatique et justice ; faire de chaque homme ou chaque garçon, un porc en puissance".

Mise en place de formations obligatoires sur le respect et la dignité au travail

Le lendemain, le Parlement européen votait une résolution réclamant un renforcement, une meilleure application et un meilleur suivi des législations, la création d'un "comité d'experts indépendants" et la mise en place de "formations obligatoires pour l'ensemble du personnel et des députés sur le respect et la dignité au travail".

"Aujourd'hui, je suis optimiste, il y a une prise de conscience, beaucoup de femmes parlent, se félicite Jeanne Ponté. Ce n'est d'ailleurs pas forcément la parole qui se libère, c'est plutôt les oreilles qui sont davantage à l'écoute".

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