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Un télescope spatial pour étudier les exoplanètes

Avec la découverte d'une planète constituée en grande partie de diamants, les astronomes réalisent à quel point les autres mondes de notre galaxie peuvent être étranges et exotiques. Pour mieux connaître ces planètes qui tournent autour d'autres étoiles que le Soleil, l'Agence spatiale européenne vient de choisir une nouvelle mission, Cheops. Objectif : lancer en 2017 un télescope spatial dédié à l'étude des exoplanètes.
Article rédigé par franceinfo
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Cheops , pour Characterising Exoplanets Satellite , tel est le nom du prochain satellite qui sera lancé par l'Agence spatiale européenne (ESA). Si tout va bien, se sera en 2017, et pour seulement 50 millions d'euros, une somme modeste, pour un satellite scientifique.

Il faut dire que la conception de Cheops, une mission proposée par les astronomes de l'Institut de Physique de Berne, en Suisse, est simplissime : un petit télescope de 33 centimètres de diamètre, équipé, en son foyer, d'une caméra CCD.

Le tout installé sur une plate forme spatiale achetée à l'industrie sur étagère, et propulsée à 800 km d'altitude par un petit lanceur, peut-être un Vega européen. Une " petite mission ", selon l'expression même de l'ESA, et pourtant, une rupture profonde, dans la jeune histoire de l'étude des exoplanètes, ou planètes extrasolaires, ces planètes qui tournent autour d'autres étoiles que le Soleil.

En effet, pour la première fois, les astronomes utiliseront un instrument conçu non pas pour découvrir des exoplanètes, mais pour les étudier. Le télescope Cheops, en effet, est conçu pour être orienté vers des étoiles proches de la Terre, autour desquelles des planètes ont déjà été trouvées, par la méthode dite spectroscopique. Celle-ci, mise en œuvre, entre autres sur les télescopes de 3,6 m de l'observatoire de La Silla, ou le télescope de 10,4 m de l'observatoire d'Hawaï, permet de détecter, via le lent va et vient de l'étoile sur sa trajectoire, une planète cachée dans son éclat.

Très efficace, cette méthode ne permet pas de voir la planète, ni de définir où elle se trouve autour de son étoile ; de fait, aucune indication précise n'est donnée sur sa taille et sur sa masse.

Cheops , lui, comme Corot et Kepler , ses devanciers, utilise une méthode plus directe : il s'agit de détecter le passage de la planète devant son étoile, et de mesurer précisément la baisse de lumière provoquée par cette mini éclipse.Si Corot, Kepler et Cheops fonctionnent selon le même principe, en quoi Cheops est-il si     différent ?

C'est que Corot et Kepler observent uniquement, et continûment, deux zones du ciel riches d'étoiles, en pleine Voie lactée : ils surveillent plusieurs dizaines de milliers d'étoiles, et les astronomes cherchent dans leurs données les signaux typiques de transits planétaires : c'est le nombre énorme d'étoiles surveillées qui permet les découvertes.  

Mais les étoiles observées sont situées très loin dans la Galaxie, sont mal connues, et souvent, les mesures sont entachées d'artefacts : il est difficile pour les astronomes de comprendre réellement ce qu'ils observent. Des planètes, des étoiles doubles, des variations intrinsèques de luminosité ? Preuve de l'extrême difficulté de ces observations, à ce jour, Corot a détecté plus de 600 candidates exoplanètes, et seules 25 de celles-ci ont été confirmées par des observations supplémentaires effectuées dans les observatoires. Quant à Kepler, sur plus de 2000 candidates, il n'en a découvert officiellement que 77...

La stratégie d'observation de Cheops, encore une fois, sera radicalement différente, puisqu'il s'agira de chercher, parmi les planètes déjà découvertes, celles qui transitent devant leur étoile. Les chances de transits, dans ce mode d'observation, avoisinent 10 % contre... 0,1 % environ dans le cas de Corot et Kepler ! Mieux : Cheops n'observera que les étoiles proches, situées, pour fixer les idées, à quelques dizaines ou centaines d'années-lumière, quand Corot et Kepler observent essentiellement des étoiles situées entre 1000 et 10 000 années-lumière.

La mission Cheops est prévue pour une durée nominale d'un peu plus de trois ans. Durant cette période, le comité scientifique de la mission sélectionnera les cibles du satellite. Certaines d'entre elles seront choisies en cours de mission, car les découvertes d'exoplanètes sont désormais quasi quotidiennes, en témoigne l'annonce du lancement de la mission Cheops, au lendemain même de la découverte d'une planète autour d'Alpha Centauri !

Le télescope sera pointé vers l'étoile quelques jours durant, pendant la période du transit attendu, celui-ci étant connu grâce aux éphémérides calculées de l'exoplanète : la méthode des vitesses radiales, si elle ne permet pas de définir le plan de révolution de l'exoplanète, permet en revanche de calculer ses élongations est et ouest, ses oppositions et conjonctions. Une fois le transit observé (ou non, si la planète passe au dessus ou au dessous de son étoile), les scientifiques pourront calculer avec précision les caractéristiques de la planète : sa taille, bien sûr, sa masse, et sa densité.

De là, les caractéristiques physico-chimiques de l'astre pourront être estimées, en attendant, au cours de la décennie 2020-2030, que les planètes soient directement photographiées, et leur lumière propre, analysée, avec des télescopes géants ou le télescope spatial JWST... Les chercheurs pourront même espérer, pourquoi pas, détecter dans la courbe de lumière du transit d'une exoplanète un ou des satellites, ou les traces d'une atmosphère...

Si l'enjeu de la mission Cheops est fondamental pour la connaissance des exoplanètes, ses observations, en revanche, ne seront pas très spectaculaires : en effet, pour obtenir une haute précision photométrique, les astronomes ont choisi de défocaliser l'image des étoiles qu'ils observeront : une étoile, au foyer du télescope de Cheops, sera donc floue, étalée sur près de 800 pixels !

L'exoplanètologie est la discipline la plus jeune de l'astronomie, et celle qui fait les progrès les plus fulgurants. Impossible donc, de prédire ce que découvrira Cheops, ni combien de planètes il pourra étudier : plus d'une centaine, probablement.

 

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