Renaissance d'un observatoire
Les télescopes , comme les astronomes qui les
servent, hélas, n'ont pas une durée de vie infinie... On l'ignore
parfois, mais nombre de coupoles d'observatoires, la nuit, demeurent
closes, leurs instruments endormis. Pour les astronomes amateurs,
pour les amoureux des beaux objets, c'est un véritable crève-cœur,
que de voir des chefs d'œuvres de précision oubliés, abandonnés,
après qu'ils aient vogué des décennies durant sur les vagues de
l'espace...
Jadis, lunettes et télescopes , pourtant, étaient
éternels, ou presque. En effet, la mécanique d'un instrument
astronomique ne s'use pratiquement pas, et la lumière n'érode pas
les lentilles qu'elle traverse ou les miroirs qu'elle frappe. De
fait, des instruments du XIX siècle fonctionnent encore aujourd'hui,
telle, par exemple, la Grande lunette de Nice, mise en service en
1888 et toujours utilisée par des observateurs d'étoiles doubles.
Tels, encore, les fabuleux télescopes du mont Wilson et du mont
Palomar, qui sont encore utilisés, près d'un siècle après leur
mise en service en Californie, ou encore le télescope de un mètre
du Pic du Midi, cinquante ans au compteur. Mais la modernité est
passée par là, et avec elle de nouvelles méthodes de conception et
de gestion des projets scientifiques, calquées souvent sur les
missions spatiales. Désormais, souvent, les télescopes sont conçus
spécialement pour réaliser un objectif scientifique, puis, celui-ci
atteint, ils sont arrêtés. A l'observatoire de La Silla, au Chili,
par exemple, une multitude de petits instruments modernes côtoient
des télescopes de même puissance, mais... inutilisés. La fortune
de ces télescopes au rebut est diverse. Les Britanniques, à
l'observatoire d'Hawaï, ont accroché un panneau " For Sale "
autour du tube de leur télescope infrarouge de 3,8 m. Quant à
l'Observatoire européen austral (ESO), il sous-loue son télescope
de 1,5 m de diamètre aux scientifiques brésiliens. Ces télescopes
– petits pour les professionnels, énormes pour les amateurs –
font rêver ceux-ci... C'est ainsi qu'Alain Maury a retroussé ses
manches pour démonter le télescope de 90 cm, pesant 5 tonnes, de La
Silla pour venir l'installer dans son observatoire amateur de San
Pedro de Atacama ! En France, aussi, certains observatoires...
n'observent plus. Mais ces coupoles closes, de plus en plus, les
astronomes rêvent de se les réapproprier.
A ce titre , c'est une
magnifique initiative qu'a pris l'Observatoire de la Côte d'Azur , en
collaboration avec l'Université de Nice Sophia-Antipolis et le
Collège de France en se lançant dans un projet de réhabilitation
d'une ancienne station d'observation astronomique, fermée depuis une
quinzaine d'années. Les deux coupoles du système SOIRDETE, un
interféromètre infrarouge en service voici un quart de siècle sur
le plateau de Calern, non loin du village de Caussols, étaient
demeurées fermées depuis la fin des années 1990...
Sous la houlette de Lyu Abe, Philippe Bendjoya et
Jean-Pierre Rivet, astronomes, ingénieurs et techniciens ont remis
en ordre de marche les deux télescopes, rénovant leur monture et
installant de nouveaux miroirs, polis par l'ingénieur opticien David
Vernet, lui-même astronome amateur passionné. L'objectif de cette
réhabilitation ? Créer un centre d'observation astronomique
pour les étudiants du master IMAG2E – Imagerie et Modélisation
Astrophysique, Géophysique, Espace et Environnement. Les deux engins
rénovés sont utilisés par les étudiants, mais pas seulement :
le C2PU (Centre Pédagogique Planète et Univers ) est par ailleurs un centre
de formation des enseignants et aussi un observatoire de
recherche astronomique. Lors de la mise en service du premier des
deux télescopes, cet été, un groupe de passionnés, professionnels
et amateurs (Dominique Albanèse, Bernard Augier, Erick Bondoux,
Robert Knockaert, Christian Munier, Jean Pajus, Jean-Pierre Rivet,
Serge Roata, Franck Valbousquet, David Vernet) a réalisé des prises
de vue d'étoiles, de nébuleuses et de galaxies, avec une caméra
CCD, installée directement au foyer du miroir du télescope. Ces
images, d'une beauté à couper le souffle, augurent bien de l'avenir
du Centre Pédagogique Planète et Univers.
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