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Le dernier secret des supernovae

Les supernovae sont les plus puissantes et les plus lumineuses explosions de tout l'Univers... Les astronomes les traquent toutes les nuits, car l'extraordinaire luminosité de ces astres permet de les observer à plus de dix milliards d'années-lumière de la Terre. Ce sont des "chandelles cosmiques" d'une importance décisive pour l'astronomie et la cosmologie.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Les supernovae sont de
fabuleuses explosions stellaires.
Ces événements sont aussi brefs
que spectaculaires : une supernova peut-être observée par les
astronomes pendant quelques semaines ou quelques mois, période
durant laquelle l'éclat de l'explosion peut surpasser celui d'une
galaxie entière... Il existe, en simplifiant un peu, deux grandes
familles de supernovae (SN), celles de type II et celles de type Ia.
Les SN de type II correspondent à l'explosion d'une étoile
supergéante en fin d'évolution. Le coeur nucléaire de ces étoiles
supergéantes, trop riche en fer et en nickel, cesse de produire de
l'énergie et s'effondre sous son propre poids. Cet effondrement
catastrophique produit une gigantesque onde de choc, porteuse d'une
énergie colossale, laquelle traverse les millions de kilomètres de
l'immense étoile, qui explose... Quelques heures durant, la « boule
de feu » de l'étoile morte, se propageant à dix mille
kilomètres/seconde, brille dans le cosmos comme cent millions de
soleils...

Voilà
pour les supernovae de type II. Et les SN de type Ia ? Fascinante et
délicate question, que se posent les astronomes depuis les années
1930 et la découverte des supernovae... En effet, les SN Ia ont une
importance cruciale pour la recherche astronomique et singulièrement,
la cosmologie. En étudiant ces astres au fil des décennies, les
chercheurs ont découvert qu'ils avaient une propriété remarquable
: leur courbe de luminosité est corrélée à leur éclat maximal.
Ainsi, en suivant de nuit en nuit le phénomène – une montée
extrêmement abrupte de luminosité, puis le pic d'éclat, enfin une
luminosité progressivement décroissante – il est possible de
calculer l'éclat réel de la supernova, quelle que soit la région
de l'Univers où elle est observée. Or, comme les SN Ia sont
extraordinairement lumineuses - leur magnitude absolue approche M :
-20, ce qui correspond à l'éclat de dix milliards de soleils ! -
elles peuvent être observées à plus de dix milliards
d'années-lumière de la Terre. Les supernovae de type Ia sont donc
devenues, pour les astronomes, les plus fiables des « chandelles
cosmiques », ces balises lumineuses qui permettent de mesurer
les distances dans l'Univers. Et ce sont ces supernovae qui ont
permis, au tournant du millénaire, de découvrir l'expansion
accélérée de l'Univers, un phénomène qui a valu à Saul
Perlmutter, Adam Riess et Brian Schmidt le Prix Nobel de Physique
2011
. Bien sûr, les astronomes connaissent avec précision le
processus physique qui amène le déclenchement de ces précieuses
explosions stellaires ? Eh bien non ; en fait, non. Depuis des
décennies, ils conjecturent que les SN Ia surviennent dans des
couples stellaires en interraction. Très exactement, ils pensaient
que dans un vieux couple stellaire, constitué d'une naine blanche,
c'est à dire une « étoile éteinte » « dénucléarisée »,
si j'ose écrire, et d'une géante rouge - une vieille étoile à
l'enveloppe gazeuse gigantesque – la naine blanche, minuscule et
hyperdense, en attirant progressivement vers elle le gaz de
l'enveloppe gazeuse de sa voisine, finissait par voir sa masse
augmenter au point qu'elle s'effondre sur elle-même. Cet
effondrement, en réamorçant les réactions nucléaires, provoquait
l'explosion brutale et totale de l'étoile. Cette théorie, en
apparence extrêmement solide, ne souffrait guère de discussion,
même si elle n'était étayée par aucune observation. A la décharge
des astronomes, relevons au passage que les supernovae ne sont pas
faciles à observer : rares – il en explose quelques unes par
siècle dans une galaxie comme la nôtre – elles sont toujours
repérées à des distances énormes de la Terre. Mais quand même,
la notoriété de ces étoiles mystérieuses, pourvoyeuses de Prix
Nobel et faiseuses d'univers en expansion accélérée, emportés par
une « énergie sombre » d'origine inconnue, a fini par
attiser la curiosité des chercheurs. Dans les cafétérias de tous
les observatoires du monde, la question revenait, lancinante : « On
utilise les supernovae de type Ia comme chandelles cosmiques, mais au
fond, c'est quoi, une supernova de type Ia ?
 ».

La
réponse a de quoi laisser perplexe... Plusieurs équipes
scientifiques, en effet, ont pointé leurs télescopes vers les lieux
d'explosion de SN Ia afin de mieux discerner leur environnement
immédiat. L'idée était toute simple : retrouver, au centre de
l'explosion, marquée par l'immense corolle lumineuse expulsée par
l'étoile morte, sa voisine, qui, d'après la théorie, aurait
alimenté en combustible l'étoile naine blanche et provoqué son
explosion. Alors Bradley Schaefer et Ashley Pagnotta ont pointé le
télescope spatial Hubble vers SNR 0509-67, une supernova qui a
explosé voici quatre siècles dans la galaxie du Grand Nuage de
Magellan, à seulement 160 000 années-lumière d'ici (photo
ci-dessus). Rien. Aucune étoile... Puis, l'équipe de Alicia
Soderberg a entrepris une étude similaire, cette fois à propos de
la supernova SN 2011 fe, qui a explosé l'année dernière dans la
galaxie M 101 de la Grande Ourse, à 22 millions d'années-lumière
d'ici (au sens strict, évidemment, l'explosion a eu lieu voici 22
millions d'années, mais ce décalage temporel n'a aucune importance,
les astronomes l'ont suivi « en direct »). L'équipe de
l'astronome américaine n'a pas lésiné sur les moyens : la
supernova de la Grande Ourse a été suivie avec le réseau EVLA
(Expanded Very Large Array) au Nouveau-Mexique, et avec les
observatoires spatiaux Chandra et Swift... Verdict de Alicia
Soderberg ? Le même que celui de Bradley Schaefer et Ashley Pagnotta
: il n'y a rien, aucune étoile, sur le site de l'explosion de SN
2011 fe... Enfin, deux articles scientifiques à paraître en avril
dans l'Astrophysical
Journal
,
signés par Peter Brown et Brock Russel, parviennent à la même
conclusion. Ces chercheurs Américains ont utilisé le satellite
Swift, et ses télescopes ultraviolet et à rayons X, pour sonder
l'environnement de plusieurs centaines de supernovae, dont une
soixantaine de supernovae de type Ia. Conclusion, cette fois encore :
pas la moindre trace d'étoiles sur les sites des explosions...

Du coup, les astronomes
cherchent une alternative à la théorie du transfert de masse d'une
étoile géante vers une naine blanche pour expliquer les SN Ia. Il
en existe une : les SN Ia surviendraient lors de la collision et de
la fusion de deux naines blanches tournant l'une autour de l'autre.
Ces vieux couples stellaires, très serrés, dissipant une grande
quantité d'énergie sous forme de marées gravitationnelles,
spiraleraient progressivement l'un vers l'autre avant de fusionner et
d'exploser intégralement, ne laissant pratiquement rien derrière
eux. Les supernovae n'ont pas fini de passionner les astronomes. Leur
importance cosmologique est telle qu'on ne peut laisser s'installer
le moindre doute sur leur origine, ou leurs origines. Car si elles
ont permis aux cosmologistes d'arpenter l'espace-temps au delà de
dix milliards d'années-lumière, si elles ont permis de détecter
l'accélération de l'expansion de l'Univers, les chercheurs
attendent encore plus d'elles. La prochaine génération de
télescopes, en effet, pourra peut-être les observer encore plus
loin, au delà d'une douzaine de milliards d'années-lumière, aux
parages du big bang. Les astronomes comptent beaucoup sur ces
fantastiques chandelles cosmiques pour éclairer... l'origine du
monde. 

Serge Brunier

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