La galaxie la plus lointaine de l'Univers ?
Encore ?
Oui, encore : une équipe internationale d'astronomes vient
d'annoncer la découverte de la... plus lointaine galaxie de
l'Univers... Avec Marie-Odile Monchicourt, nous nous faisons l'écho régulièrement de cette
compétition qui ne dit pas son nom entre les grandes équipes
d'astronomes spécialisées dans l'observation de l'Univers très,
très lointain. Depuis une dizaine d'années, cette course au record
est l'une des activités les plus gratifiantes des astronomes. En
effet, dans leur discipline, c'est un peu l'équivalent du 100 mètres
en athlétisme ou en natation... Car ces astres extraordinairement
distants, tout à la fois dans l'espace et dans le temps, exigent un
déploiement d'énergie impressionnant pour être détectés. Et une
mobilisation technologique hors-norme : plusieurs télescopes,
généralement les plus grands du monde, des observatoires spatiaux,
dont généralement le plus célèbre d'entre eux, des temps de pose
déraisonnables, des années de traque...
En
découvrant la galaxie MACS1149-JD ,
l'équipe scientifique internationale menée par Wei
Zheng a
peut-être atteint la barre des 13,2 milliards d'années-lumière.
Peut-être ? Oui, car les observations cosmologiques, réalisées,
par définition, aux limites instrumentales, doivent être prises
avec précaution. Ces dernières années, plusieurs candidates au
titre envieux de " plus lointaine galaxie de l'Univers "
ont en effet été recalées, soit qu'il s'agisse d'artefacts
d'observation, soit que leur distance réelle n'ait jamais pu être
confirmée... De ce point de vue, MACS1149-JD
doit encore faire ses preuves, car sa distance n'a pas été mesurée
tout à fait dans les règles de l'art : en principe, pour
calculer la distance d'une galaxie, il faut d'abord enregistrer son
spectre, lequel permet de mesurer précisément son redshift (z),
c'est à dire sa vitesse de fuite apparente. Une fois ce décalage
spectral (le redshift) mesuré, la distance est calculée. Mais
enregistrer le spectre de MACS1149-JD est aujourd'hui impossible :
l'astre est trop petit, trop pâle, bref, trop lointain. Ses
caractéristiques optiques sont, pour l'astronome amateur qui lira
ces lignes, surréalistes : cette galaxie du bout du monde
mesure à peine plus de 0,1'' et a une magnitude apparente de l'ordre
de 30... D'ailleurs, les astronomes ne l'auraient jamais trouvé si
la nature ne leur avait pas donné un coup de pouce – du dopage,
pour filer la métaphore du record sportif... MACS1149-JD, en effet,
voit son éclat amplifié une quinzaine de fois par effet de lentille
gravitationnelle ! En fait, si l'équipe de Wei Zheng l'a
découverte, c'est qu'elle se trouve en arrière-plan de l'amas de
galaxies MACS J1149+2223, lequel, par sa formidable masse, courbe
l'espace-temps et joue le rôle d'une lentille naturelle. Une fois
repérée, la minuscule galaxie a été observée par les télescopes
spatiaux Hubble et Spitzer, dans des filtres de couleurs différentes,
ces filtres jouant plus ou moins le rôle d'ersatz de spectrographe à
très basse résolution... Cette mesure de distance indirecte,
probabiliste, n'est donc pas fiable à 100 %. La découverte,
cependant, a été publiée dans le journal Nature, et est prise très
au sérieux par les spécialistes, en particulier parce que l'astre,
détecté dans tous les filtres infrarouges, est demeuré invisible
dans les longueurs d'onde visibles du spectre. Un indice fort, pour
les spécialistes, d'un astre fortement décalé vers le rouge, et,
partant, extrêmement lointain.
D'après
l'équipe de Wei Zheng , donc, MACS1149-JD, exhibe un redshift (z)
de 9,6, un record...Cela signifie que sa lumière a été " dilatée
" par l'expansion de l'Univers d'un facteur 10,6 (1 + z). Ce
décalage spectral, dans le " modèle de concordance "
cosmologique adopté par les astronomes, correspond à une distance
de 13,2 milliards d'années-lumière, dans un Univers âgé de 13,7
milliards d'années. Autrement dit, nous voyons aujourd'hui cette
galaxie telle qu'elle existait voici 13,2 milliards d'années,
500 millions d'années seulement après le big bang.
Pour fixer
les idées, la lumière la plus intense de la galaxie, ultraviolette,
émise voici 13,2 milliards d'années, à, disons, 100 nanomètres
de longueur d'onde, est devenue à la réception aujourd'hui...
de l'infrarouge ! C'est en effet à 1060**** nanomètres (1,06
micron) de longueur d'onde qu'est détectée aujourd'hui cette
lumière ultraviolette.
On
ne sait pas encore grand chose de cette galaxie , qui n'apparaît
sur les photos de Hubble que comme une simple tache, déformée par
la lentille gravitationnelle qui a permis sa mise en évidence...
Pour l'équipe de Wei Zheng, il s'agit d'une petite galaxie
naissante, précurseur des galaxies géantes actuelles. Sa masse
n'atteindrait que 1 % de la masse de notre propre galaxie spirale, la
Voie lactée. Elle ne compterait qu'un petit milliard d'étoiles. Et,
bien sûr, MACS1149-JD serait très jeune... Elle se serait formée
environ deux cents millions d'années plus tôt, c'est à dire voici
13,4 milliards d'années, moins de 300 millions d'années après le
big bang !
Remonter
significativement plus loin dans le temps va être difficile pour les
scientifiques, car, plus on se rapproche du big bang, plus le
redshift augmente vite, pour une distance qui elle, croît de plus en
plus lentement... Les astronomes ne sont désormais plus tout à fait
sûr qu'ils pourront, un jour, voir naître les premières étoiles
et les premières galaxies, à un redshift situé probablement entre
20 et 30... Cette toute première génération d'astres sera
peut-être noyée dans l'hydrogène qui emplissait l'Univers entier
juste après sa naissance. Mais pour tenter quand même d'aller y
voir de plus près, la prochaine génération d'astronomes aura à sa
disposition des télescopes géants de 20 à 40 mètres (GMT, TMT,
E-ELT) et des réseaux de radiotélescopes gigantesques (Alma, SKA).
Mais
au fait, pourquoi cette course au record de distance cosmologique
est-elle une activité si récente ? En fait, les astronomes ont
toujours, par hasard, découvert des astres de plus en plus lointains
– dans les années 1980, les galaxies les plus lointaines se
trouvaient à des redshifts de l'ordre de 1 – mais, à l'époque,
seul ce redshift, justement, pouvait être mesuré. En l'absence de
modèles cosmologiques convaincants, personne ne savait à quelle
distance spatio-temporelle ces décalages spectraux correspondaient,
quand l'interprétation en terme de distance des décalages spectraux
n'était pas discutée ! Aujourd'hui, les astronomes se
retrouvent pratiquement tous autour du " modèle de
concordance " et ses paramètres cosmologiques précis, qui
assignent à l'Univers un âge de 13,7 milliards d'années.
Plus d'images prises par le télescope spatial Hubble sur le site de notre partenaire, Science & Vie.
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