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Dans la peau de la forêt amazonienne, plus que jamais la proie des flammes

Tous les matins, Marie Dupin se glisse dans la peau d'une personnalité, d'un événement, d'un lieu au cœur de l'actualité.

Article rédigé par Marie Dupin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Vue aérienne d'une zone brûlée dans la forêt amazonienne, près de la réserve extractive de Lago do Cunia, à la frontière des États de Rondonia et d'Amazonas, dans le nord du Brésil, le 31 août 2022. (DOUGLAS MAGNO / AFP)

Deux départs de feu par minute, 8 700 départs en 3 jours. Voilà ce qu’on me fait subir en ce moment ! Je suis la grande forêt, la forêt amazonienne. Terminé l’océan vert, me voilà immense tâche rouge et noire figée par des images satellites qui circule sur les réseaux sociaux... enfin, qui ne circule pas assez à mon goût.

Triste image de moi : une région immense de la taille de l’Espagne en proie aux flammes. C’est simple, je brûle davantage encore qu’à l’été 2019 où, pourtant, j'avais déjà battu des records. Souvenez-vous la passe d’armes entre Emmanuel Macron et le président brésilien Jair Bolsonaro, qui m’a tant fait de mal depuis qu’il est arrivé au pouvoir. Emmanuel Macron avait alors appelé les pays du G7 à voler à mon secours. "Notre maison brûle", s’était-il enflammé sur Twitter.

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Trois ans plus tard, je continue de brûler, plus que jamais, et cette fois en silence. Est-ce parce que, chez vous aussi, ça brûle ? Est-ce qu’on s’habitue aux flammes ? Aux forêts calcinées ? À l'odeur de la fumée, aux paysages dévastés ? Est-ce qu'on s'habitue aux sécheresses ? Moi qui héberge 10% de la biodiversité mondiale, je ne m'habitue pas. Chaque jour, je vois souffrir et disparaître un peu plus mes 40 000 espèces de plantes, 3 000 espèces de poissons et plus de 370 de reptiles. Mercredi 7 septembre, des dirigeants indigènes ont publié un rapport pour sonner l’alerte rouge. Un quart de mon écosystème serait irréversiblement détruit.

Absorbe 90 milliards de tonnes de CO2

Il ne sera plus possible de revenir en arrière et, ça, ce n'est pas une bonne nouvelle. Je sais que vous comptiez beaucoup sur moi pour absorber vos émissions polluantes. Je suis désolée de vous l’annoncer mais il faudra trouver quelqu’un d’autre... À force de couper, raser, brûler mes arbres pour les vendre et pour faire de la place pour l'élevage ou pour cultiver du soja, à force de me transformer en pâturages, mes sols perdent de leur fertilité. Il faut donc aller ailleurs et raser, couper, brûler toujours plus.

Pourtant, ça allait mieux. J'ai cru à un moment qu'on allait me laisser en paix. Entre 2004 et 2012, on avait presque arrêté de me déforester. Puis la crise économique et Jair Bolsonaro ont sonné le retour de l'impunité pour ceux qui me détruisent. Impunité, et même encouragement ! Résultat : ces cinq dernières années, on m'a fait plus de mal encore qu'il y a une quinzaine d'années.

Bientôt, je ne pourrai plus me régénérer toute seule. De forêt tropicale, je suis en train de me transformer en vaste savane, même si j'absorbe encore 90 milliards de tonnes de CO2. 90 milliards, ça représente deux fois les émissions annuelles dans le monde entier. Je vous laisse imaginer ce que ça donnera en terme de réchauffement climatique quand je ne pourrai plus le faire... Alors, s'il vous plaît, faites tourner les images de cette immense tâche rouge et noire. Interpellez votre président pour qu’il s’enflamme de nouveau pour voler à mon secours. Faites-le pour moi mais, surtout, faites-le pour vous.

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