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Culture d'info. Phia Ménard : "Nous sommes fascinés par les catastrophes"

Dans "Contes Immoraux - Partie 1: Maison Mère", actuellement en tournée en France, l'artiste performeuse Phia Ménard, seule sur scène, construit une maison en carton qui est détruite en quelques minutes quand la pluie se met à tomber, métaphore sidérante du réchauffement climatique.

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Phia Ménard dans "Contes immoraux-Partie 1: Maison mère" (Jean Luc Beaujault)

L'artiste performeuse Phia Ménard est en tournée en France avec Contes Immoraux – Partie 1 : Maison Mère, premier conte d'un triptyque né de la commande de la documenta 14, quinquennale d’art contemporain de Kassel en 2017, autour de la thématique : "Apprendre d’Athènes, pour un Parlement des Corps". Une métaphore ilmpressionnante de ce que vit aujourd'hui notre planète. 

franceinfo : Sommes-nous fascinés par les catastrophes ?

Phia Ménard : Je voudrais tellement dire non, mais je suis obligée de le dire : oui, oui, puisque finalement on regarde un cataclysme et on s'aperçoit que c'est le moment où on pourrait sauver l'édifice. Là, c'est qu'il faut sauver cette putain de planète, là, il faut la sauver. Mais en même temps, on attend toujours que les dirigeants prennent le dessus et prennent les devants. On a envie toujours qu'il y ait quelqu'un devant qui dise : ça y est, vous avez la permission, vous pouvez sauver le monde. Mais on est fasciné, bien sûr, par le cataclysme.

C'est de la sidération ?

Peut-être. Ou alors dans ce cas-là, ça veut dire qu'on ne veut pas y croire. Peut-être que c'est le moment où on se dit : tiens, il y a une petite preuve que la religion existe. Pour moi qui ne suis pas croyante, ça me pose problème parce que oui, on est sidéré. Ce qui est terrible quand on est fasciné, c’est qu'il y a quelque chose de l’ordre de la jouissance, comme devant un incendie, par exemple, on est complètement pris par une sorte d'objet de fascination, d'un plaisir, et en même temps, on va dire : quel dommage ! On a rien fait, on a regardé et on voulait voir. D'ailleurs, on regarde les pompiers agir.

Que peut l’art ?

Certainement poser la question : pourquoi est-on fasciné ? Pourquoi on préfère regarder le chaos ? Certes, là on sait que c'est du théâtre, donc ce n’est pas très grave, mais on ramène du sens. C'est tellement long pour l'humanité de construire cette maison qui va être détruite en 3 minutes, peut-être qu'on ramène cette notion. Vous avez vu comme cela a été long pour que l'humanité se construise et que ça peut s'effondrer en quelques instants ? C'est la puissance de l'art.  

Les collapsologues nous disent de regarder la nature, qui quand elle est agressée répond par le collectif 

Moi, je trouve ça génial. Il y a un côté terrible parce qu'on peut faire dire tout ce qu'on veut en disant, c'est la nature, plutôt que de chercher, par calcul, des solutions. Il suffit aussi d’observer. Prenez le temps d'observer, pas de foncer tête baissée. On va nous dire qu'on va réparer le réchauffement climatique plutôt que de dire, comment on le stoppe, car on le sait, on peut le stopper.  

Un des moyens d'échapper au collapse, c'est de comprendre qu'il va falloir un espace-temps de régénération. La nature va reprendre le dessus. Pendant ce temps, il va falloir qu'on fasse amende honorable. Il va falloir qu'on trouve la solution ensemble, de laisser ces éléments repousser, mais ça veut dire l'effondrement du néolibéralisme. Donc, c'est bien ça le vrai sujet. Sommes-nous capables aujourd'hui de retrouver finalement l'objet même, qui est de participer ensemble pour obtenir quelque chose, et non plus essayer de se marcher dessus pour être le meilleur ?  

Phia Ménard et la compagnie Non Nova

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