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Culture d'info. L'écrivain Lyonel Trouillot : "Face à ce que vit Haïti, la communauté internationale est aveugle et sourde"

L'écrivain haïtien dénonce le silence des États face au chaos qui sévit dans son pays. Contesté par la population depuis un an, le président Jovenel Moïse s'accroche au pouvoir et la violence touche tous les secteurs.

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Lyonel Trouillot, romancier, poète, journaliste et professeur de littératures française et créole, d'origine haïtienne. (GETTY IMAGES / RAPHAEL GAILLARDE)

Lyonel Trouillot est un romancier et poète haïtien d'expressions créole et française. Il est également journaliste et professeur de littératures française et créole à Port-au-Prince en Haïti, pays des Grandes Antilles. Il est l'invité aujourd'hui de Thierry Fiorile.

franceinfo : La période actuelle est-elle la pire qu'ait connue Haïti ?

Lyonel Trouillot : C’est l'une des pires de son histoire certainement, mais en même temps, si les revendications populaires finissent par triompher, c’est aussi la possibilité de penser Haïti autrement et d’orienter la société haïtienne vers plus de liberté, de justice sociale et de démocratie. Nous sommes à la fin d’un système qui ne peut plus produire de consentement. Cette société est fondée sur des inégalités sociales inacceptables, donnant quasiment tout à un petit groupe, et quasiment rien à la majorité. Les gens n’en veulent plus et le seul recours du pouvoir actuel contre cette volonté générale, c’est la répression. On vit une orientation vers des pratiques dictatoriales qui sont de plus en plus criminelles, assassines et inquiétantes.  

Au quotidien l’insécurité est totale ?  

Elle est terrible, en particulier dans les milieux populaires, où il y a de plus en plus d’actes de répression, on parle de plus en plus de la transformation de la police nationale en un corps de Tontons macoutes (de l'ère Duvalier).  

Le départ de Jovenel Moïse est indispensable ?  

Je le crois, et cette demande est quasiment exprimée par tous. Mais nous sommes entrés dans une période de pourrissement, le président s’accroche au pouvoir et en même temps, il n’a aucune possibilité de produire du consentement.  

On a l’impression que la communauté internationale est aveugle  

Aveugle et peut-être sourde... Nous, Haïtiens, sans être paranoïaques, on se demande s’il n’y a pas deux poids, deux mesures, et quelque chose qui serait de l’ordre du racisme dans le traitement de la question haïtienne par la communauté internationale. Aussi bien par la presse que par les États, il est extrêmement douloureux pour un Haïtien d’entendre qu’à Hong Kong, un militant pro-démocratie a été tué, alors qu’ici nous avons des massacres réguliers.

Il y a vraiment quelque chose d’inquiétant, cela ne renseigne pas sur la réalité haïtienne mais sur les problèmes de l’Occident avec lui-même, dans sa perception de la réalité des choses.

Lyonel Trouillot

Des amis français ont rédigé une note, mais tous les jours ils me disent le mal qu’ils ont à trouver des médias pour publier leur tribune. Et ce sont des écrivains, des comédiens, des gens plutôt connus, mais ce qu’ils disent ne semble intéresser personne.  

Vous avez fait le choix de rester en Haïti, c’est un choix courageux, c’est dangereux...  

Oui, c’est dangereux de vivre ici, concernant ceux qui partent, je comprends tout à fait ceux qui disent : je n’en peux plus, mais on ne peut pas construire un pays en le fuyant, et si la France peut aider, il n’y a qu’une façon de le faire, c’est d’accompagner le mouvement revendicatif.                    

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