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Culture d'info. Élisabeth Roudinesco : "Les confessions publiques qui ont peut-être été nécessaires à un moment donné, doivent cesser"

L'historienne de la psychanalyse pense qu'après le Grenelle des violences conjugales, il est temps de s'interroger sur l'espace dans lequel les femmes victimes doivent s'exprimer. Elle prêche pour une parole privée, dans le cadre de la psychanalyse.

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Elisabeth Roudinesco (J.M ESPINOSA / EFE)

Et si on réhabilitait la psychanalyse? Comme de très nombreuses femmes, Élisabeth Roudinesco est satisfaite de voir le gouvernement prendre des mesures concrètes pour endiguer les violences conjugales, même si elle s’interroge elle aussi, sur les moyens alloués à cette lutte. Et ce sont bien les victimes qui sont au cœur de ses préoccupations.

Cette espèce de volonté que l’on a aujourd’hui de déballer publiquement son être, ce n’est pas bon pour les personnes

Élisabeth Roudinesco

à franceinfo

Deux ans après le lancement du mouvement #metoo, la question de l’espace dans lequel ces femmes doivent s’exprimer est posée : "Les confessions publiques, qui peut-être ont été nécessaires à un moment donné, doivent cesser, estime Élisabeth  Roudinesco. Je suis convaincue que tous les témoignages, écrits, parlés à la télévision, cette espèce de volonté que l’on a aujourd’hui de déballer publiquement son être, ce n’est pas bon pour les personnes. Les électrochocs c’est bien, mais si une victime s’installe dans la position de victime, elle ira plus mal".

L’historienne de la psychanalyse, qui a aussi été praticienne,  déplore le procès fait depuis quelques années à sa discipline : "Nous sommes dans une époque qui ne veut plus de la psychanalyse, mais pourtant, rien n’est mieux que la parole privée."  

Ce mal originel du mâle

Comment expliquer cette violence qui concerne essentiellement les hommes ? Sans être fataliste, Élisabeth Roudinesco se veut "lucide : il y a du mieux, mais on n’éradiquera jamais les pulsions destructrices, là il faut être freudien ! On ne peut que les condamner, prendre en charge les victimes, il n’y aura jamais de société sans pulsions meurtrières ou guerrières. Comme toutes les perversions, ces phénomènes existent dans tous les milieux sociaux et toutes les sociétés".

Forte de l’expérience de se consultations, l'historienne et psychanalyste est formelle : "Il y a un inconscient dans toutes ces histoires, le combat est juste, mais l’illusion est extrémiste."   

La séparation est toujours violente

Dans la majorité des cas, c’est au moment d’une séparation que se déchaînent les violences masculines. Qu’en est-il des réactions des femmes quittées ? "Toute personne quittée a des réactions violentes. Si les femmes n’ont pas les moyens physiques de violenter un mari, elles ont aussi des pulsions, différemment, mais une rupture est toujours horrible".

Élisabeth Roudinesco est préoccupée par la question du genre qui envahit le débat public. "Dieu sait si j’ai défendu les études de genre, mais là, on est allé trop loin. Croire que tout est construit, qu’il  n’y a pas des réactions pulsionnelles où les hommes expriment plus leur violence par des coups est une erreur".

Et de prédire que la marche vers l’égalité engendrera des violences chez les femmes : "La vraie égalité, ça va être compliqué."   

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