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Quand l'extrême droite enfile le bonnet rouge

Le quatrième volet de notre série de reportages en Bretagne est consacré à une question, celle de la possible tentative de récupération du mouvement des "Bonnets rouges" par l'extrême droite. Autrement dit,  ce mouvement populaire spontané va-t-il bénéficier au FN lors des prochaines élections municipales et européennes ?
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Il y a d'abord eu Marine Le Pen invitant le 27 octobre chacun à
remplacer sa photo sur les réseaux sociaux par le dessin d'un bonhomme portant
un bonnet rouge. Un petit bonhomme qu'on a retrouvé sur des pancartes dans la
manifestation du 2 novembre à Quimper.

Il y a eu ensuite l'interview de
Jean-Marie Le Pen, bonnet rouge sur la tête, sur le site du Front national.
L'hebdomadaire Minute a aussi promis un bonnet rouge gratuit pour
un abonnement souscrit. 

Puis, le mouvement d'extrême droite
"Réseau identités", a déposé la marque Bonnets rouges à
l'INPI (Institut national de la propriété industrielle). Mais son responsable
n'est pas du tout breton. Il a même un accent du midi prononcé. Richard Roudier
est cévenol, mais pour lui, "il était capital et urgent de déposer
cette marque car c'est une marque identitaire qui va devenir importante pour la
population
". Il ajoute : "Elle est le fruit d'un début de
révolte populaire qui est née en Bretagne, mais qui aurait pu tout aussi bien
démarrer en Languedoc
".

"Touche
pas à mon bonnet rouge"

L'emblème des "Bonnets rouges" échappe
donc à ses créateurs. Ils ont tenté de réagir en rédigeant une charte. Ils ont
même créé un logo avec ce slogan : "Touche pas à mon bonnet rouge ".
"On doit reconnaitre qu'on a été pris de cours, pris par surprise par
l'extrême droite qui s'est immiscée dans notre combat. C'est scandaleux. On a
été choqué notamment par ces faux "Bonnets rouges" qui ont sifflé François Hollande
le 11 novembre sur les Champs-Elysées. C'est le contraire de nos valeurs de
respect, d'humanisme, de solidarité. Le FN est un poison pour la Bretagne. Les
"Bonnets rouges" peuvent être une antidote
", argumente le maire divers
gauche de Carhaix, porte-parole du collectif des "Bonnets rouges".

"Nous sentons un réveil breton" (responsable FN)

Historiquement la Bretagne est
réfractaire aux extrêmes, et notamment à l'extrême droite. Même si elle est
depuis toujours une terre de mission pour le Front national. Même en doublant
son score entre la présidentielle 2007 et celle de 2012, le FN est resté cinq
points en dessous du niveau national (13 % contre 18 % au niveau national). "C'est
vrai qu'on part de plus bas dans cette région, mais nous sentons un réveil
breton
", commente Nicolas Bay directeur de la campagne des municipales
pour le FN. "Mais la bonne nouvelle ", ajoute-t-il,* "c'est
que nous avons en Bretagne une marge de progression spectaculaire, et je pense
que l'on va faire une poussée remarquée. Nous regardons avec la plus grande
bienveillance ce mouvement des Bonnets rouges, et nous pouvons dire à ceux qui
ont rejoint ce mouvement qu'il faut transformer la colère en espoir. Nous leur
rappelons que le FN est favorable à bien davantage de contrôles aux frontières
pour mettre un coup d'arrêt à la concurrence étrangère inadmissible dans
l'agroalimentaire* ", ajoute le
cadre du parti frontiste.

Le FN des
champs

Aux élections municipales de 2007,
le FN avait présenté une seule liste en Bretagne, c'était à Lorient. Cette
année le parti entend en proposer une vingtaine. Il compte pour cela sur ses
nouveaux adhérents. "Nous n'avons jamais enregistré autant de nouvelles
adhésions. Dans mon département, il y a maintenant 600 adhérents
",
explique Eric Déchamps, responsable de la section finistérienne du Front national.
Parmi ces nouveaux militants, il y a des Bonnets rouges, beaucoup de jeunes,
des salariés licenciés de l'agroalimentaire, et surtout des agriculteurs. C'est
dans le centre Bretagne et dans les zones rurales que le FN progresse le
plus : "Le FN des champs ", comme disent eux-mêmes les responsables
frontistes dans la région.

"L'essai ne sera pas si simple à transformer pour le FN" (Romain Pasquier, chercheur au CNRS)

Mais pour Romain Pasquier, chercheur
au CNRS et professeur à l'Institut d'études politiques de Rennes, "l'essai
ne sera pas si simple à transformer pour le FN
". Il explique : "Si
l'on observe une poussée ponctuelle, elle a peu de chance de se confirmer dans
le temps. Certains jouent à se faire peur avec cette idée que le mouvement des Bonnets
rouges pourrait créer un tremplin pour le FN. Les socialistes bretons agitent
ce drapeau pour faire des Bonnets rouges un repoussoir
".

Le Front national ne décrochera pas
de mairies en Bretagne. Ses responsables eux-mêmes savent cet objectif
impossible. Mais il pourrait faire son entrée dans de nombreux conseils
municipaux. Il pourrait aussi atteindre un score record aux élections européennes
de mai prochain. Une élection dont le mode de scrutin - à la proportionnelle - lui
est bien plus favorable.  

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