Leur métier : "optimiser" les impôts
Mathieu Le Tacon reçoit avec le sourire, avec une poignée de main franche, mais pas dans son bureau. Ces jours-ci, tous ses entretiens se font dans une salle de réunion du cabinet. Une longue table vide, un "paper-board" et quelques petites bouteilles d'eau. L'endroit où travaille cet avocat fiscaliste, personne d'autre que lui n'y entre.
"Comme tous les avocats, nous sommes soumis au secret professionnel , explique-t-il. Nous avons beaucoup de dossiers dans nos bureaux, surtout en cette période déclarative. On préserve donc l'anonymat de nos clients puisque la fiscalité personnelle en France est un tabou ". Ses clients lui confient leur déclaration et donc aussi une part de leur intimité. Les contacter est délicat. D'ailleurs, pour que l'un d'entre eux accepte de parler, il faut que ce soit par téléphone, depuis le cabinet.
Nicolas, par exemple, fait appel au cabinet pour remplir correctement sa déclaration. Ce client régulier a un contact amical avec son fiscaliste : "J'espère que vous n'allez pas me facturer cet appel ", demande-t-il en riant à son conseil. Lequel répond : "Non mais c'est vraiment la seule fois ". Nicolas serait tout à fait capable de remplir sa déclaration tout seul mais, d'abord, il avoue que ce n'est pas une tâche qui lui plaît particulièrement. Et il redoute des erreurs, il préfère s'adresser à un professionnel qui lui permettra "d'optimiser" sa déclaration. "Il m'est arrivé de déclarer le brut de mes impôts par le passé, ce qui est vraiment une grosse bêtise , avoue-t-il. L'administration fiscale était sidérée. Je suis typiquement quelqu'un qui doit faire appel à un cabinet spécialisé pour ne pas commettre d'erreurs ".
1.000 euros d'honoraires minimum
Les clients sont tous des gens aisés ; les honoraires du cabinet démarrent autour de 1.000 euros pour remplir une déclaration simple. Plus ça se complique, plus ça devient cher. Cela peut se transformer en forfait, en abonnement d'assistance ou en pourcentage sur la somme obtenue dans le cas du règlement d'un litige. C'est un travail exigeant car les clients le sont et ils veulent comprendre.
Diane Laske, fiscaliste dans ce cabinet, a parfois du mal à tout expliquer : "Entre le moment où ils viennent nous voir et le moment où on dépose le dossier, ils sont quand même assez stressés. Ils ont besoin que ça se fasse vite et en plus ils veulent tout comprendre. Comme si, ensuite, ils devaient aller le défendre devant l'administration fiscale. Ils ont besoin de valider le traitement appliqué sauf que, malheureusement, ils n'ont pas les mêmes bases que nous ".
Un bon fiscaliste doit évidemment suivre l'évolution législative, presque au jour le jour. Avant même qu'une loi passe, Mathieu Le Tacon suit les débats parlementaires pour comprendre l'orientation générale. Dès que la loi est votée, il doit être capable d'en déceler les avantages, les inconvénients et aussi les failles, pour le bien de ses clients. Un aventurier du chiffre dans la jungle fiscale.
Des contribuables perdus
"On ne tire pas beaucoup de gloire à comprendre la fiscalité française parce que c'est vraiment très administratif, très technique et aussi très fluctuant. C'est ce qui fait l'attrait de cette matière, c'est qu'elle est très changeante. Par exemple, pour les plus-values de cessions immobilières, les règles ont changé chaque année depuis au moins 3 ou 4 ans, et souvent de manière rétroactive. Les gens sont totalement perdus et parfois, même les établissements bancaires ne s'y retrouvent pas ".
Ces dernières années, il y a un afflux de nouveaux dossiers, pas simples. Ceux des exilés fiscaux qui rapatrient leurs biens en France. Actuellement, le Cabinet Delsol en traite 500 en liaison directe avec le ministère des Finances.
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