Cet été 2020. Canicule, premières vendanges et touristes à vélo ou à la plage... Une semaine de reportages en Bourgogne-Franche-Comté
Pendant tout l'été 2020, les reporters de franceinfo vont à votre rencontre sur vos lieux de vacances. Cette semaine, direction la Bourgogne-Franche-Comté.
Cette semaine, la rédaction de franceinfo fait escale en Bourgogne-Franche-Comté. Une région qui attire de nombreux vacanciers en ce mois d'août très ensoleillé. Un mois d'août qui rime aussi avec canicule et coronavirus.
Le canal de Bourgogne en proie à la sécheresse
À partir de Migennes, dans l'Yonne, et jusqu’à Tonnerre à une cinquantaine de kilomètres, le canal de Bourgogne est fermé. Il n'y a pas assez d’eau, pour la troisième année consécutive, alors que la France connaît en ce moment un épisode de canicule dans de nombreux départements. "La navigation sur le canal est arrêtée", indique Solange, qui s'occupe de la location de bateaux. Elle doit désormais changer sa manière de travailler : "On regroupe nos départs pour que l’écluse soit la moins remplie et vidée possible, pour éviter tout ce passage incessant et une perte de l’eau. On se demande si le canal de Bourgogne va continuer à être navigable. Pour nous, loueurs, c’est compliqué."
Quelques kilomètres plus bas, dans le joli port de Saint-Florentin, on croise Mélissa, qui habite une péniche à l’année. Selon elle, ce manque d’eau joue sur toute une économie locale : "C’est malheureux. Pour ce port par exemple, le maire a investi beaucoup d’argent. C’est un super cadre, c’est sympa, il y a des bateaux chaque année qui s’arrêtent... et maintenant on voit des gens qui partent. Ils ne vont plus s’amarrer à l’année. On parle de l’économie du village, mais nous aussi on s’inquiète", admet celle qui travaille comme capitaine sur les bateaux depuis six ans. "Du travail j’en aurai peut-être toujours, mais dans 20 ans on ne sait pas."
"Avec un soleil comme ça, on perd environ un centimètre par évaporation" par jour
Le canal continue de descendre vers le sud-est. On fait étape à Montbard, en Côte-d'Or, pour y rencontrer Thomas. Il est agent des voies navigables de France et gère notamment le passage de l’écluse. "Tous les jours, par exemple avec un soleil comme ça, on perd environ un centimètre par évaporation. On relève nos cotes du niveau d'eau quotidiennement. Celle-ci est à 1,97 mètre de hauteur", indique Thomas. "À la semaine on voit que le niveau baisse. On va avoir une évolution, on y réfléchit de plus en plus, pour pallier le manque d’eau et surtout l’apport des rivières."
Fin de parcours au lac de Pont. Une petite pancarte indique que la baignade est interdite en raison du manque de niveau d’eau. "Je n'avais pas fait attention du tout, mais bon, on n’est pas les seuls", lance Sandra, qui est venue profiter de la plage de galets en famille. Effectivement, il y a plusieurs baigneurs qui se rafraîchissent. "Le lac, c’est très bien, même mieux parce qu’il y a moins de monde. Monsieur préfère la mer, mais moi je préfère être ici, c’est mieux", tranche cette habitante de Meurthe-et-Moselle. Clairement, ici on est loin de la fréquentation des plages de bord de mer.
Découvrir la Bourgogne en pédalant
"Il n'en reste plus qu'un, tous les autres ont été pris." Au camping du lac de Panthier, David, le gérant, propose des vélos en location, qui ont donc du succès : "Il y a effectivement un peu plus de cyclotouristes cette année. Beaucoup ont choisi de sortir et profiter du plein air. Ce sont généralement de jeunes parents avec de jeunes enfants." Mais pas seulement !
Au coeur du camping, à côté des bungalows, plusieurs petites tentes qui confirment les dires de David. "Si l'on parle de cliché, là ça en est un. Trois vélos, la petite remorque et deux tentes. Typique de nos randonneurs cyclistes." Philippe et ses amis découvrent le cyclotourisme tranquillement : "On n'est pas dans la performance. On est simplement dans le vélo plaisir. On a fait 70 kilomètres, demain ça sera une cinquantaine. Aujourd'hui c'est repos et resto ce soir !"
Des restaurants, des nuités au camping, en chambres d'hôtes et des achats dans les commerces : le cyclotouriste contribue à l'activité locale. "J'ai beaucoup de vélos qui passent par ici. C'est plus de 50% de ma clientèle, explique une commerçante en plein sur le chemin de ces deux roues. Je fais des sandwichs, des boissons fraîches, des glaces. Les gens peuvent prendre une douche, utiliser la machine à laver. J'ai des rustines si jamais il y a un malheureux qui arrive."
Belles sacoches rouges sur le guidon et à l'arrière, Marie est une habituée du vélo. "Ça fait 40 ans que je fais du cyclotourisme !". Marie aime partager sa passion et donne des conseils sur internet. "Je suis dans un groupe de discussion et je vois bien que les familles qui veulent partir prennent des renseignements sur le nombre de kilomètres par jour, est-ce qu'on doit forcer les enfants par exemple."
L'après coronavirus dans un Ehpad de Besançon
À l'Ehpad de Thise près de Besançon, dans le Doubs, le coronavirus reste dans tous les esprits : "On ne pouvait pas se préparer à une épidémie de cette ampleur." Ici, plus de deux tiers des 80 résidents ont eu les symptômes du Covid. Vingt-six sont décédés. Annabelle Torquiau, l'infirmière coordinatrice, garde de cette période un souvenir bien amer : "Physiquement, tout le monde a pu se reposer. Par contre au niveau de la charge émotionnelle, ça reste très compliqué encore aujourd'hui. On était très attachés à nos résidents, à nos familles."
On a eu l'impression de bâcler les deuils.
Annabelle Torquiauà franceinfo
Des groupes de paroles ont été mis en place pour les soignants. La moitié d'entre eux a aussi été malade. Encore aujourd'hui, la mémoire des résidents disparus plane sur l'établissement. "Pour les personnes qui ont traversé cette épreuve avec nous, il y a des regards qui ne trompent pas, confie l'infirmière. On est très vite émus quand on reparle de ça ensemble."
Annabelle aime se souvenir des signes de solidarité des familles, des collègues ou des résidents eux-mêmes parfois, comme Thérèse Simmonet, tout juste 92 ans, et loin d'oublier cette épidémie. Canicule oblige, elle est aujourd'hui dans sa chambre, plongée dans la pénombre, volets descendus. Elle s'est battue contre le coronavirus pendant plusieurs semaines : "C'est incroyable la fatigue que l'on a. Un matin, je me suis réveillée et je ne pouvais plus parler. Je disais 'laissez-moi, je veux dormir !'"
Alors les soignants la veillent chaque jour et chaque nuit. Thérèse raconte leur présence et leur gentillesse, précieuses pendant ces moments difficiles. "Quand j'ai su que j'avais ça, j'ai simplement pleuré. Je ne voulais pas mourir, puis avec le temps je ne pense pas vraiment à moi, mais plutôt à ceux qui sont partis." La résidente a perdu deux amies dans cette épidémie. "J'ai eu de la peine. C'était des personnes que j'avais pris dans mon coeur, parce qu'elles étaient formidables."
La directrice de l'établissement ne se remet toujours pas de la brutalité de l'épidémie. Mais pour Charlotte Euvrard, il faut aller de l'avant, garder le sourire et composer avec les mesures sanitaires et la canicule. "On a vécu l'épidémie, on sait ce que c'est. Jamais on ne souhaite à quiconque de vivre ce qu'on a vécu. Donc on sait pourquoi on se protège." Tous, salariés comme résidents, n'ont effectivement qu'une peur : que l'épidémie reprenne.
Le Jura pris d'assaut par les touristes
Habituellement on ne se presse pas dans le Jura durant les vacances d'été. Mais cette année 2020 est celle de toutes les exceptions. Lorsque l'on arrive à Clairvaux, dans la région des lacs et des cascades, il faut un peu batailler pour trouver une place de parking. Il y a du monde dans les rues et en terrasses, comme chez Carole. Avec ses steaks faits maison et son fromage de la laiterie voisine, la restauratrice décrit une affluence impressionnante cette année : "Il y avait déjà beaucoup de monde en juillet, ça a démarré beaucoup plus tôt. Et fin juillet, début août, c’est la folie ! C’est dur physiquement mais on est satisfaits."
De l’autre côté de la rue, l’office de tourisme bourdonne. "C’était peut-être pas la destination que l’on aurait choisi au départ, mais on est contentes, confient Isabelle et Odile, originaires de la Loire. Ça nous fait découvrir des régions." Les touristes français affluent, mais peu d'étrangers. "Tout est complet en termes d’hébergement, et il y a encore des gens qui demandent à venir cette semaine et la semaine prochaine, explique Laura à l'accueil, un peu débordée. On sait que c’est plus possible de les accueillir !" La fréquentation est en hausse, mais les capacités restent les mêmes. "On est pas loin cette année d’arriver à une limite maximale, si ce n’est pas déjà atteint."
Laura qualifie cette saison 2020 d'"étrange". "On est contents de voir du monde mais en même temps c’est un peu effrayant pour notre Jura. Il y a des sites qui sont surfréquentés, comme les cascades du Hérisson. Ça peut vite se fragiliser."
Une vingtaine de kilomètres plus loin, après quelques virages en forêt, les fameuses cascades du Hérisson : 400 000 visiteurs à l’année, un site habitué à recevoir du monde. Pourtant, Jean-Michel, médiateur culturel, fait le même constat. "Ça va n’importe où, ça piétine partout. Cette année on a franchi un cap. C’est peut-être l’effet de masse et des personnes qui ne sont pas habituées à être dans la nature. On a envie de dire aux gens d’aimer et respecter notre petit coin de France avec nous." Les premières estimations évoquent une augmentation de 40% du nombre de visiteurs, sur ce sentier des cascades.
Premières vendanges très précoces en Saône-et-Loire
Les vendanges sont cette année très précoces. Elles ont déjà démarré en Bourgogne. Pour Edouard Cassanet, directeur de la cave de Lugny en Saône-et-Loire, difficile de dire précisemment avec combien de semaines d'avance il entame les vendanges cette année. "On ne sait plus très bien l'année repère aujourd'hui. On dit que c'est précoce mais par rapport à quelle date, on ne sait plus. Mais le premier coup de sécateur un 13 août c'est absolument exceptionnel, du jamais vu même en 2003."
Le calendrier a été chamboulé par les fortes chaleurs de ces derniers jours. "Tout va plus vite qu'en septembre. Les journées sont plus chaudes, plus longues, donc la maturité va plus vite." Mais surtout, c'est la douceur de l'hiver et du printemps qui a précipité les choses. "On avait beaucoup d'avance à la sortie de l'hiver, le cycle végétatif est reparti très vite."
Un fois le raisin mûr, il faut trouver de la main d'œuvre pour le couper. À ce niveau-là, Edouard était un peu inquiet, à cause des frontières fermées. "Au final, on a eu beaucoup de sollicitations de jeunes Français. Je pense que les difficultés de petits travails et des stages annulés à cause du Covid ont mobilisé les jeunes." Ce n'est pourtant pas le cas de tous ses confrères. Certains ont eu beaucoup de mal à trouver de bras.
Eileen, 22 ans, a le sourire. "Ça donnait envie de voir comment ça se passait ! Je suis venue de Bretagne avec deux autres copines. C'est chouette." Samuel et Clément le confirment : ce boulot d'été dans les vignes est venu à point nommé. "Au début j'ai fait un peu d'intérim, mais c'était plutôt compliqué." Son ami explique : "Dans tout ce qui est restauration, ils prennent moins qu'avant."
Une première expérience inédite à tout point de vue puisqu'il faut aussi respecter les mesures sanitaires. "La plupart sont logés dans des mobil-homes. On a divisé par deux le nombre de personnes dans ces bungalows, détaille le directeur de la cave. Dans les véhicules, c'est port du masque obligatoire." Autre changement pour les repas : fini les grandes tablées collectives, le plateau individuel est de mise.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.