Cet article date de plus de neuf ans.

Surtout, ne rien oublier

La Bonne Bière a rouvert, ce matin. C'est l’un des lieux touchés par les attentats, à Paris, il y a trois semaines. 5 personnes ont perdu la vie sur la terrasse de cette brasserie. Un lieu de vie, et de mémoire.
Article rédigé par Nathalie Bourrus
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Le bar "la bonne bière à Paris" a rouvert ses portes ce vendredi matin, trois semaines après les attentats © MaxPPP)

La Bonne Bière a rouvert, ce matin. Cinq personnes ont perdu la vie sur la terrasse de cette brasserie. "On ne va pas s’laisser abattre".  Cette phrase, n’est pas de moi, mais d’une habituée, venue prendre son café. Café de quartier : la Bonne bière, est un peu comme une maison de famille. 

"Ben non, on va pas s’laisser faire… c’est très bien d’avoir rouvert. C’est très très bien", dit-elle, l’air assurée.  Ah, tiens le patron.  Embrassades, entre eux. Moi : "Patron !". Lui, bonne bouille sympa : "Il n’est pas là !"

Moi : "Hein ? mais vous êtes là ?"

Lui : "Faut voir le chargé de com’. J’ai délégué, je peux pas là"

Il court dans tous les sens

J’aperçois trois caméras, en plein milieu du restaurant

Je reste au bar.  Au rade, comme on dit

"Allez…, 2 cafés à emporter !", lance un serveur de salle

"Madame, vous avez fini ?".  Ah ça, c’est pour moi visiblement.  

Le rade commence à être plein. Des ouvriers roumains arrivent. 

"On connaissait les roumains, ceux qui sont morts. Lui, il était de la même ville que moi, là-bas…"

Je revois la photo de ce jeune couple, publiée dans des journaux

Tout revient. Tout est là, de nouveau. 

Dehors quelque chose semble s'être arrêté 

La Bonne Bière a refait un peu sa déco, par la force des choses. Mais les faits sont intacts.  Immortalisés, par des centaines de bouquets de fleurs, sur les trottoirs, tout autour.  Dehors, quelque chose semble s’être arrêté.  Dedans : c’est le coup d’chaud de midi. 

"Allez, un caf !  2 cuisses de canard !" Le patron cours, toujours… dans tous le sens. 

Vivre… vite.  Surtout, ne pas s’arrêter.  Le chargé de com’ a disparu. 

Le  rade se vide.  Les travailleurs retournent au boulot.  Un monsieur boit une bière. 

"Tchin", me dit il. Je trinque avec mon verre d’eau. 

On ne se dit rien. Je sors La terrasse est pleine, comme souvent ici, car emplacement privilégié : le soleil peut s’y installer. 

"Vivre, vite"

Je m’approche du fleuriste, juste à côté. Le gérant, un balai a la main, nettoie le pied de l’arbre.  Il gratte la cire des bougies, qui ne cessent de couler

"Ca, c’est la photo du chanteur kabyle qui est mort ici. Il habitait là, juste à côté".  En face, le Casa Nostra, autre terrasse  touchée. Il y a eu des blessés, pas de morts. 

Le coiffeur d’à-côté est là. " Le soir, le 13, je suis parti juste avant…avec mon vélo… les vendredis, je fais la ballade, en groupe, dans Paris. Je me suis retrouvé bloqué, plus haut. Finalement, j’ai dormi dans le 13eme".  Il parle, parle, parle. Il ne s’arrête plus, cherche chaque détail. Vivre, vite. Mais surtout, ne rien oublier.

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