"On reviendra"
C’était… chaud bouillant. Et même si on savait, que ce serait tendu (avec le 49.3, la motion de défiance, etc., etc.), quand on est au cœur du déclenchement des violences, c’est toujours un moment incertain.
Avec le cortège, je longe le boulevard du Montparnasse. C’est gentil, c’est festif. "O bella ciao, bella ciao, bella ciao, ciao, ciao" inutile de poursuivre, vous connaissez la rengaine. On chante ça, dans les rangs de la CGT.
"O Bella ciao, Bella ciao"
Mais très vite, ça va plutôt être : "baston ciao !" Un hélico passe dans le ciel. Puis, ça va très vite. À l’angle de ce boulevard et de la rue de Vaugirard, une bouteille voltige. La trajectoire est rapide… fulgurante. Je la suis du regard… Presque dans le même temps, un homme tout en noir, (masque à gaz sur le nez, grosses lunettes sur les yeux) allume un fumigène.
Je suis à 20 mètres. Des dizaines de photographes, casques sur la tête (avec écrit TV en blanc dessus) écrasent leurs nez, avec leurs appareils photo. Deuxième bouteille envoyée… à moins que ce ne soit, une pierre
Mouvement de foule
On reçoit du gaz lacrymogène. Ça s’appelle le retour à l’envoyeur. Il est 15h05. J’aperçois des regards perdus, à une terrasse de café. Des regards qui se demandent : que faire ?
Un homme se met à crier : "This is war !" (traduction : c’est la guerre). Je lui réponds que non… mais que oui, c’est chaud.
Des filles arrivent en larmes, à cause des gaz… Elles veulent entrer dans le café
La patronne, panique : "Non c’est fermé !". Puis, elle se ressaisit… Les filles entrent, on leur propose des serviettes en papier. Un homme veut un café. Un serveur leur répond que la machine est cassée.
Ça se calme… enfin, croit-on. "Attention ça revient !" crie un manifestant. La foule recule, à nouveau. Gaz lacrymogène… on est tous en larmes…
On avance. Il est 15h29. Sur notre droite, la rue du Cherche-Midi : même scenario. Puis, la rue de Sèvres. Les CRS sont calfeutrés, derrière une énorme barricade en plexiglas. "Résistance !", hurle un groupe
Il pleut
Un garçon est blessé à la jambe. Deux étudiantes, avec des croix rouge sur le bras, désinfectent la blessure. Dans le ciel, une autre bouteille vole…
Les Invalides. Il est 15h45. Avenue de Breteuil, un kiosque à journaux est brisé. La police disperse la manif, à coup de gaz lacrymogène.
Il est 16h00. Un homme, la cinquantaine, pas casseur pour un sou, s’approche. "La prochaine fois, je viendrai, avec un casque et un masque à gaz. Parce que c’est sûr, me dit-il, je reviendrai."
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