C'était comment ? Au Palais de Tokyo, un homme s'enferme dans un rocher
L’artiste Abraham Poincheval, habitué des extrêmes, s’est enfermé dans une pierre, un énorme roc taillé à sa mesure. Il va y rester enfermé, 7 jours et 7 nuits. L'experience se déroule au Palais de Tokyo, à Paris. Nathalie Bourrus y était.
C’était… le souffle coupé.
C’est ce qui m’est arrivé. Au moment où Abraham Poincheval est entré s’installer dans ce gros rocher, j’ai cru que mon cœur lâchait. Ou le sien, je ne sais plus très bien.
On était plusieurs à sentir ce temps suspendu, pendant que l’artiste prenait place, cherchait à caser son corps, en position assise, dans ce roc de 12 tonnes. On regardait ce fou démarrer son voyage intérieur, en solitaire, qui va durer une semaine.
"Je cherche à coller au réel, à devenir comme une perre en fait, c’est un voyage minéral", nous a expliqué Abraham Poincheval. Après s’être enfermé récemment dans un ours empaillé, il raconte qu’il a une proximité avec les animaux et avec la nature. "La pierre par exemple, est beaucoup plus ancienne que nous… Je veux rendre quelque chose à la nature, ce qu’elle nous donne."
On regarde alors cet énorme rocher, ouvert, coupé en deux, là, devant nous. Rocher prêt à accueillir Abraham.
"Qu’est ce qui va le plus vous manquer ?", demande un journaliste.
Réponse : "J’évite les projections, je me laisse embarquer, je vais me laisser flotter."
Moi : "Vous cherchez quoi ? La liberté, en vous piégeant ?"
Lui : "Oui, j’aimerais arriver, à une autre liberté"
Donc, cet homme, père de deux enfants, et qui donne des cours aux Beaux-Arts à Aix-en-Provence (en apparence, tout va bien), va s’enfermer, en position assise… pour se sentir libre. Dans ma tête, je commence, (malgré mon flip intégral en l’observant) à l’envier. Oui, il se tire de ce monde, il s’extirpe, il va voir ailleurs, si quelque chose y est.
"On a tous une grille de lecture du monde. Allons voir ailleurs, allons voir, dit-il, ce qui fait que le monde est monde."
Attraction fœtale
Autre question de la presse : "Vous n’allez pas vous ennuyer, assis dans ce rocher ?"
Lui : "Ah non, je ne crois pas. J’ai tout à repenser."
Effectivement, ça fait du boulot : tout repenser. Notre début, notre fin, notre milieu. Plus je le regarde, plus j’ai peur pour lui, plus je l’envie. Retour en naissance, retour à l’origine. Abraham Poincheval va se nourrir de lui-même, et aussi de soupes et de compotes. Tel un enfant. Un homme de 44 ans, qui va devoir se tenir en position légèrement fœtale.
"Il va avoir deux ou trois jours d’adaptation, avec la pierre… c’est nécessaire", m’explique son père, venu le soutenir.
Moi : "Et vous, ça va ?"
Le père : "Oui, mais je suis stressé tout de même"
Je vois alors, des larmes, emplir ses yeux. Les yeux d’un père fier, et un peu déconcerté par la quête de son enfant… Cet Abraham Poincheval qui a un autre rêve : marcher sur les nuages.
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