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Barto, le pater déchu

La région Ile-de-France a basculé à droite, ce qui n’était pas arrivé depuis 1998. Claude Bartolone est battu par Valérie Pécresse. En Seine-Saint-Denis, son fief, les langues sont amères.
Article rédigé par Nathalie Bourrus
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Claude Bartolone lors d'une visite en Seine-Saint-Denis en novembre 2014 ©Maxppp)

Padré, pater familias... le Président de l'Assemblée nationale n'est pas n'importe qui dans ce département en grande difficulté. Au Pré-Saint-Gervais, juste derrière le périph, on est chez lui. "Ah oui, ça c’est chez lui ", me dit un habitant, qui vit là depuis 40 ans (même s’il vit à présent aux Lilas, juste à coté). "Il allait au collège ici. Vous voyez, dans cette rue là… et oui, il habitait là, dans la rue Estienne d’Orves".

"Un gars de chez nous, ça c’est sûr "

Dans l’un des bistrots du centre-ville, ce matin, on ne parlait que de ça. Sur le zinc : le Parisien. Et en Une, plein cadre : Valérie Pécresse. Les cafés s’enchaînent, avec quelques verres de vin rouge, au passage.

Moi : "Et pourquoi elle a gagné au final,  selon vous ?"

Un habitué : "C’est à cause de lui ! De barto ! Sa phrase…"

Moi : "Sa phrase ? Sur la race blanche vous voulez dire?"

Lui : "Ben évidemment ! On lui en veut !!! Mais pourquoi il a balancé ça ? Pourquoi ? Dites-moi pourquoi ???"

Il en devient tout rouge, rouge de colère.

Moi : "Je ne sais pas."

L’homme : "Mais c’est fou ! Barto, il connait la politique quand même ! Il sait ce que c’est, que, de ne pas tout dire !"

Presque essoufflé, l’homme reprend un café, le visage fermé.

Des gens déçus

"Bartolone, c’était un peu le papa de tous" , confie cet habitué du bistrot.

"Il nous rassurait. On l’appelle même le parrain. Je sais ça peut paraitre un peu…"

Moi : "Ah ben oui…un peu pas sympa du tout !"

Lui : "Mais pour nous, ceux qui l’aiment bien, c’était sympa de l’appeler comme ça… il le sait d’ailleurs… c’était celui qui était là, présent… quoiqu’il se passe, il était là… parce que la Seine-Saint-Denis, c’est dur je peux vous dire… la vie est dure…on est beaucoup de gens d’origine étrangère, y’a beaucoup de gens sans boulot… y’a pas de fric ici…c’est dur."

Il s’arrête, sans colère.

Silence

On entend plus que le bruit des cuillères dans les tasses à café. "Dire qu’il a failli gagner. C’est ça le pire, il a perdu de peu".  Et il se met, lui aussi, à penser à… LA phrase.

"C’est une vraie connerie d’avoir dit ça à Pécresse. Il nous a déçu. Je le mettais au-dessus, moi, Barto. Comme un pater. Au-dessus de la mêlée quoi" .

"Ben moi, j’crois que c’est ça aussi qu’il a raté".

Cruelle jeunesse

L’homme qui se mêle à la conversation est plus jeune, beaucoup plus jeune, plus cash aussi. "Ben c’est vrai… chez nous, en Seine-saint-Denis, y’ a 40% de chômage quand même ! C’est énorme ! Y’a de la grosse délinquance… très grosse même… y’a des armes, tout le monde le sait."

Moi : "Mais ce n’est pas de la faute de Bartolone. Il n’est ni maire, ni commissaire !"

Lui : "D’accord… mais comme on le dit Tous, c’est le patriarche Bartolone……et mine de rien, les choses ont pas bougé ici… ca a même empiré ….vas-y, tout le monde le sait…donc, ben, il a raté".

Cruelle jeunesse….qui adresse le dernier croche patte à Barto, le roi de la Seine-saint-Denis. Un roi déchu, pour électeurs déçus.

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