Suicides au travail : d'autres affaires France Télécom sont-elles possibles, aujourd'hui en France ?
Les méthodes de management ont-elles changé et les entreprises ont-elles tiré la leçon de la vague de suicides de la fin des années 2000 ?
Le procès France Télécom s'ouvre lundi 6 mai au tribunal correctionnel de Paris. Aux côtés de l'ancien PDG, six dirigeants comparaissent pour "harcèlement moral". Entre 2008 et 2009, 35 salariés s'étaient suicidés. Une telle crise est-elle toujours possible aujourd'hui ? Les suicides liés au travail sont-ils toujours courants ? Et les méthodes de management ont-elles changé ?
Des affaires France Télécom, des vagues de suicides qui touchent une entreprise, oui, il y en a. De moins grande ampleur, évidemment. France Télécom a employé jusqu'a 110 000 personnes. Mais que se passe-t-il chez Technip, par exemple ? Trois suicides en trois ans dans cette grande entreprise pétrolière. Depuis sa fusion avec une entreprise américaine, rien ne va plus. L'un de ces suicides a été reconnu comme accident du travail. Tout comme le suicide d'un responsable technique de chez Lidl. La justice a même reconnu la "faute inexcusable" de l'employeur. L'homme avait été victime de harcèlement et faisait le travail de deux à trois personnes.
Selon le psychiatre Christophe Dejours, ce qui est nouveau, c'est ce que les salariés se suicident plus souvent sur leur lieu de travail. Certains laissent des messages explicites. Comme ce "Tu expliqueras ça à mes filles, Carlos", laissé par un employé de Renault à destination de Carlos Ghosn.
Aucun décompte officiel des suicides liés au travail
Les entreprises ont-elles tiré les leçons de l'affaire France Télécom ? Non, selon Jean-Claude Delgènes, dont le cabinet, Technologia, a travaillé sur la vague de suicide de la fin des années 2000 : "Aujourd'hui cette expérience n'est pas suffisament partagée par les grands groupes, qui sont dans une concurrence internationale échevelée, avec la montée du numérique, avec une accélération du changement, une demande d'adaptation permanente. Toutes les conditions sont réunies pour avoir une situation comme on l'a vécue avec France Télécom..."
France Télécom avait mis en place une stratégie de management par la terreur pour réduire les effectifs. C'est rarissime. Mais ce que l'on sait, c'est que là où le collectif de travail a disparu, là où la gestion l'emporte sur la qualité du travail, les risques de burn-out et de suicide sont plus importants, comme le souligne Jean-Claude Delgènes : "Les méthodes de management qui conduisent à évaluer les individus après leur avoir donné des résultats à obtenir, la direction par objectifs, fait que l'individu, pour tenir ses objectifs qui parfois sont démesurés, va se couper du collectif". Le procès France Télécom va durer jusqu'au 12 juillet...
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