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Emploi : les secrets de la réussite des Herbiers

Une chronique délocalisée ce lundi puisque Philippe Duport est en Vendée, où France Info réalise une matinale spéciale emploi. Les chiffres du chômage pour l'année 2013 seront connus à 18h, et c'est l'occasion de s'arrêter sur l'une des exception française en terme d'emploi : les Herbiers. Le taux de chômage est de 5,9% contre 10,5% en France.
Article rédigé par Philippe Duport
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
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Les
chiffres du chômage du mois de décembre seront connus ce lundi à 18h, et avec
eux on saura si François Hollande a réussi son pari d'inverser la courbe du
chômage pour 2013
, comme il s'y était engagé.

Avant ces chiffres, France Info a décidé d'installer ses quartiers aux
Herbiers, en Vendée. Une commune connaît le deuxième taux de chômage le plus
bas de France, avec 5,9%. Presque deux fois moins que la moyenne nationale, qui
est à 10,5%
.

"Je n'ai pas eu de période de chômage depuis que je suis en Vendée" (Jean-Claude, 26 ans)

Les
Herbiers, c'est - presque - le plein emploi, avec des usines qui tournent à
plein régime... en pleine campagne. France Info a installé son studio dans
l'auditorium de la Tour des Arts. Une architecture métallique très élancée,
ultra moderne, en plein cœur du bocage vendéen, dans la Vendée de l'intérieur,
à une heure des plages des Sables d'Olonne. Il y a 25 zones industrielles aux Herbiers et 70
PME pour 15.000 habitants.

Les secrets de la réussite

L'industrie
aux Herbiers, c'est 44% de l'activité économique, soit trois fois plus que sur
la France entière ! Ici, la désindustrialisation, la délocalisation,
connaît pas. Les usines sont restées au pays. De l'industrie métallique, de
l'agro-alimentaire, de l'habillement et puis bien sûr de la construction
nautique, avec Jeanneau, marque du groupe Bénéteau.

D'autres
grands noms sont ici : Fleury-Michon, Sodébo, Système U. Et puis d'autres, moins
connues du grand public, comme Euralis, le leader français du foie gras, ou
Liébot, une ancienne forge fondée en 1745, qui s'est notamment reconvertie dans
la fenêtre métallique et les façades. Elle équipe plusieurs tours de La Défense,
à Paris. Ses dirigeants projettent de construire quatre nouvelles usines cette
année.

Réactivité

L'un
des mots clés, ici, c'est la réactivité. Marcel Albert, le maire des Herbiers
qui est notre Grand témoin de la matinée, raconte par exemple que le patron de
Jeanneau est venu le voir en lui disant : "J'ai besoin de vingt
hectares". Un an après le bâtiment était livré.

Réactivité
des politiques, des administrations, mais souplesse aussi des industriels
eux-mêmes. Ils n'ont pas hésité à laisser tomber certains marchés qu'ils
estimaient condamnés pour changer de cap. C'est le cas de Rautureau. Vous ne
connaissez peut-être pas ce nom-là, mais les chaussures Free Lance ça vous
parle sûrement davantage. Ils ont tout misé sur le luxe. Beaucoup investi dans
des machines – ça aussi c'est capital. Et ça marche.

Long
terme

Comment
expliquer cette réactivité ? D'abord parce que ce sont des PME. Un tissu de PME
agiles, qui nous manque en France, et qui font la réussite allemande par
exemple. Ce sont ensuite des entreprises familiales. Le projet est clair. Tout
le monde y adhère, y compris les salariés.

Des entreprises très attachées à
leur territoire et à l'emploi sur place. Leur but n'est pas de servir 15% de
rentabilité à un board d'actionnaires, mais de faire fructifier et de
transmettre. Liébot, qui fabrique ces fenêtres métalliques en est à sa neuvième
génération...

Une caissière devient plieuse

C'est
l'autre secret des Herbiers : la formation. En France chaque année,
400.000 recrutements ne se font pas faute de candidat qualifié. 30 milliards
d'euros dépensés alloués à la formation professionnelle et un gouffre béant
entre les besoins des entreprises et la qualification de la main d'œuvre.

Pas
de ça ici : quand il faut des soudeurs, des chaudronniers, des plieurs,
les chefs d'entreprises se mettent autour d'une table, ils dépassent leur
situation de concurrence, et ils financent des formations. Et les acteurs de la
formation marchent du même pas. On est capable de transformer en quelques moins
une caissière en plieuse dans la métallurgie. 

De
plus, la vie associative est d'une richesse incroyable ici en Vendée. Trois
cents associations rien qu'ici aux Herbiers. Les chefs d'entreprise ont tous
fait les mêmes écoles : catholiques pour la plupart. Le lycée Jean XXIII
aux Herbiers, Saint-Gabriel à Saint-Laurent-sur-Sèvres. Et là on touche à un
autre facteur de la réussite. L'histoire, dans laquelle se forge le fameux "esprit
vendéen" dont tout le monde vous parlera ici. Aussi étonnant que ça puisse
paraître, les souvenirs de la Révolution française sont ici encore présents. La
répression des "colonnes infernales" venues punir les insurgés
vendéens ont fait des centaines de milliers de morts. On a appris à ne compter
que sur soi. On est solidaires.

Et
ailleurs ?

D'autres
communes enregistrent un faible de taux de chômage en France : Houdan dans les
Yvelines (5,2%) et Vitré en Ille-et-Vilaine (6,2%). Toutes ces villes
n'ont pas l'histoire particulière de la Vendée. Mais toutes ont des des
facteurs de réussite qui marchent à tous les coups : un réseau de PME/PMI
diversifiés solidaires et réactives qui savent investir à temps et voir à long
terme, une volonté politique locale forte de favoriser les entreprises, y
compris par des incitations fiscales, des offres de terrain par exemple, une
politique de formation efficace et adaptée aux besoins locaux. Et si ça marche
en Vendée, il n'y a pas de raison que ça ne marche pas ailleurs.

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